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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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Barbara Clearstone observait avec inquiétude Mme Rosy Elliott déambuler d’un invité à l’autre.
    Comment une femme aussi obèse arrivait-elle à se déplacer   ? Ce devait être un calvaire pour le cœur de l’intéressée, compte tenu de l’énorme poids de son corps que ses pauvres jambes étaient obligées de porter…
    À une observatrice moins bienveillante que l’épouse de Brandon, la femme du consul de Grande-Bretagne à Canton eût fait penser à une montagne gélatineuse ou encore à un canard gras se dandinant dans un pré. Ce n’était pas la crinoline qu’elle portait, mais bien ses larges hanches qui déformaient la robe d’une exceptionnelle ampleur dans laquelle elles étaient ensachées. C’était par contre un miracle si les boutons du bustier où était coincée son énorme poitrine ne craquaient pas les uns après les autres lorsqu’elle faisait le moindre geste.
    Et Dieu sait que des gestes, la grosse Anglaise était obligée d’en faire, lorsque son mari recevait ses compatriotes.
    Ce jour-là, élégance oblige et en prévision de ce pince-fesse où elle officiait en tant que maîtresse de maison, les cheveux teints en noir de Mme Elliott, suite à la mise en plis hebdomadaire dont elle avait avancé la date au matin même, bouclaient impeccablement et faisaient ressortir son fond de teint immaculé sur lequel éclatait un rouge à lèvres très « sang frais   » qui lui faisait un sourire carnassier.
    —  Et comment s’appelle cette ravissante petite jeune fille   ? s’enquit l’énorme masse de viande montée sur pattes.
    En bonne épouse de diplomate, Mme Elliott était une professionnelle aguerrie en matière de relations publiques, du genre à manier la langue de bois des convenances avec un étourdissant brio et à posséder en magasin tous les formats de sourires : du plus timide, c’est-à-dire de type « humble et discret   », réservé aux puissants ou à ceux dont son mari était l’obligé, jusqu’au plus aguicheur, à la limite du dévergondé, qu’elle ne décochait qu’aux jeunes hommes, à condition que leur taille dépassât le mètre soixante-dix, mais sans qu’elle se fît, au demeurant, car elle était réaliste, la moindre illusion sur ses chances de les séduire…
    Laura Clearstone déclina son nom en esquissant une révérence au milieu du ballet des serveurs chinois en gants blancs et en livrée rayée qui servaient à la trentaine d’invités mâles présents le « cocktail maison   », en réalité un mélange explosif de sirop de sucre et d’alcool de gingembre « à vous couper au couteau   », selon l’expression fétiche du maître d’hôtel du consul. Certains y goûtaient avec circonspection et d’autres avec délectation. C’était selon.
    Dans une atmosphère de moins en moins feutrée au fur et à mesure que se faisaient sentir les effets de cette mixture capable de vous envoyer au sol si vous en buviez plus de trois verres, une vingtaine de femmes assises un peu à l’écart dans des fauteuils d’osier jacassaient de choses futiles en sirotant ce qui leur avait été servi d’autorité.
    Tous les premiers jeudis du mois, en fin d’après-midi, se déroulait le même cérémonial. L’ancien capitaine des « marine corps   » Charles Everett Elliott, devenu consul de Sa Majesté la reine Victoria à Canton, et son épouse Rosy-Ann-Mary recevaient leurs compatriotes. Les plus récemment arrivés en Chine et qui avaient signalé leur présence aux services consulaires bénéficiaient d’une invitation en bonne et due forme. Quant à tous les autres, installés depuis plus ou moins longtemps à Canton, ils pouvaient y venir à leur convenance.
    Il faut dire que question petits fours, chez les Elliott, on n’était pas du genre chiche.
    Dans une vie antérieure, le diplomate avait été l’un des militaires auxquels les autorités anglaises devaient la reddition du port de Canton le 27 mai 1841. À ce titre, il était encore considéré comme l’une des gloires de l’Empire britannique. Plus précisément, Charles avait gagné ses lettres de noblesse au moment de l’offensive d’avril 1839 menée par le vice-roi Lin Zexu, lorsque ce dernier avait ordonné la saisie et la destruction de la totalité de la cargaison d’opium des navires anglais qui mouillaient au large de l’embouchure de la Rivière des Perles. À l’époque simple officier supérieur dans la Royal Navy, il avait organisé

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