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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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l’enceinte de cet édifice, des bonzes au crâne rasé et revêtus d’une toge prune s’y affairaient en silence. Les uns attisaient les foyers dans lesquels les dévots plongeaient des bâtonnets d’encens, les autres, en file indienne, faisaient le tour, deux par deux, de l’édifice en frappant une cloche de bronze. Tang commença par faire admirer à sa belle contorsionniste l’élégant édifice octogonal de neuf étages dont les murs des trois premiers étaient incrustés de bols de porcelaine verts, bleus et blancs.
    —  Quand j’étais enfant, je venais souvent ici avec Prospérité Singulière. Au dernier étage, les bonzes expliquent qu’on respire à pleins poumons les effluves des souffles vitaux des esprits qui hantent les montagnes pendant la nuit…
    Jasmin Éthéré leva les yeux. Sur l’ultime plate-forme de la tour brillait la roue en or, symbole des Nobles Vérités du Bouddha.
    —  Tout cet or… je n’ai jamais vu rien d’aussi somptueux… Vous croyez aux esprits   ?
    —  Je crois aux souffles… et aussi à l’union des souffles… murmura Tang en entamant, avec Jasmin Éthéré qu’il avait fait passer devant lui, la pénible ascension des trois cents marches de l’escalier intérieur qui permettaient d’accéder à la roue de la Vérité.
    —  Qu’appelez-vous « union des souffles   »   ?
    Le noble Han s’arrêta, regarda intensément sa compagne et lui répondit :
    —  La fusion entre deux êtres complémentaires… l’union totale entre eux, qui démultiplie leurs forces mutuelles et met la Voie à leur portée.
    —  La Voie   ? Je n’ai jamais entendu parler de cela…
    —  Le Voie est le principe d’ordre sans lequel aucune chose n’existerait… Les plantes, les rivières, les animaux, les oiseaux et les poissons, les hommes, toi et moi… sans la Voie, rien de cela n’existerait   !
    —  Et pourtant le monde paraît si peu ordonné… Tout ce mal, toute cette violence, cette misère immense, sont-ils conformes à la Voie   ?
    Le prince murmura :
    —  La Voie n’est pas le monde {15} . Si le monde est parfois mauvais, c’est en raison du comportement des hommes… La Voie est vague et indistincte pour celui qui ne prend pas la peine de s’y pencher et ses symboles sont aussi vagues et indistincts   ! La Voie ne se laisse pas attraper. Elle est comme l’oiseau : il faut d’abord l’apprivoiser. La Voie est à l’origine et à la succession de tous les êtres et de toutes les choses visibles et invisibles {16} .
    —  Vous parlez bien… J’aimerais beaucoup que vous m’appreniez la Voie… murmura-t-elle, souriante et pensive.
    C’était la première fois qu’elle le complimentait et il en conçut une immense fierté.
    Ils continuaient à gravir l’escalier. Tendue par la montée, la croupe frémissante de l’acrobate était à sa portée, offerte, parfaitement lisible sous la fine épaisseur du tissu de sa robe. Mais il avait tellement envie de la respecter, de ne pas la brusquer, d’obtenir ce qu’il voulait d’elle avec son consentement, qu’il se retint d’y poser les mains.
    Lorsqu’ils arrivèrent au dernier étage de la tour de Porcelaine, les rayons du soleil couchant faisaient briller comme les vagues de la mer les toits recourbés des somptueux palais de la ville rebelle. Subjugués par tant de beauté, ils se turent pendant de longues minutes. De Nankin, au loin, montait le brouhaha de la grande ville où Tang avait passé une enfance choyée. Des hirondelles insouciantes et capricieuses zigzaguaient en fendant l’azur qui virerait bientôt au vert et au rouge, avant la descente des nuées nocturnes. Une légère brise s’était levée, qui rendait l’atmosphère délicieuse.
    —  Comment comptez-vous faire pour sortir de cette ville sans nous faire remarquer   ? lui demanda-t-elle, accoudée à la rambarde de pierre qui faisait le tour de la plate-forme terminale sur laquelle avait été fixée la roue de la Noble Vérité.
    —  Nous embarquerons à bord d’un bateau-fleur… murmura le prince à la jeune femme qui avait à ses pieds la fière capitale des Ming et, tout près d’elle, un homme qui l’aimait.
    Elle lui sourit.
    Alors, avec d’infinies précautions, il approcha sa main de la sienne et, l’espace d’un instant et sans qu’elle les retirât, il effleura enfin ses doigts effilés…

 
    8
     
    Canton, 18 mars 1846
     
    Compatissante envers les autres, comme à l’ordinaire,

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