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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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notaire du Lancashire à moitié ruiné par de mauvais placements et venu à Canton s’essayer à la spéculation immobilière. Un de ces citoyens dont les États raffolent parce qu’ils défendent bec et ongles le système sans se poser la moindre question.
    —  Pour éviter la prise de cette ville, le général Yishan, commandant en chef des armées chinoises, déboursa l’équivalent de six millions de dollars en monnaie d’argent   ! Un gigantesque racket- comment voulez-vous, dans ces conditions, qu’il restât au peuple de quoi manger   ? Quand on a faim, on n’a même pas la force de se révolter   ! lui rétorqua Roberts avec véhémence.
    Le notaire au monocle, auquel la tirade de Roberts avait cloué le bec, trouva du secours auprès d’un autre individu aux grosses lunettes cerclées d’acier qui n’entendait pas laisser le dernier mot à l’Américain.
    —  Vous semblez dire que ce Yishan accepta de payer très cher pour quelque chose qui lui appartenait déjà   !
    —  C’est exact   !
    —  Il y a contradiction   ! Qui achèterait ce qu’il possède déjà   ?
    Les lunettes cerclées d’acier paraissaient ravies de leur petit effet et le monocle commençait à se rengorger.
    —  Bien sûr qu’ils étaient chez eux. Du moins en théorie, car les Occidentaux possédaient les canons. La force des armes est toujours - hélas   ! - supérieure à celle du droit   ! s’écria Roberts.
    —  L’irréalisme de vos Chinois fait peine à voir   ! Songez un peu que le commandant de leur artillerie avait placé ses batteries de canons si loin du fleuve qu’elles ne pouvaient pas atteindre les navires anglais lorsqu’ils passaient devant. Pour combattre la « sorcellerie des barbares au long nez   » qui était, selon votre général Yishan, la seule explication possible à la supériorité militaire des Anglais, savez-vous ce qu’il ordonna aux habitants de Canton   ?… de suspendre des pots de chambre remplis d’excréments de femmes aux fenêtres   ! C’était vraiment grotesque… poursuivirent, sur un ton fielleux, les lunettes en acier.
    —  Vous exagérez   ! Vous déformez les faits. Ce n’est pas convenable   ! tonna Roberts.
    —  Je ne vous permets pas de dire cela   ! C’est un ancien capitaine de l’artillerie de la couronne britannique qui vous parle… J’ai été le témoin direct de ce que je vous raconte   ! assénèrent les binocles, piqués au vif.
    —  La Chine, en s’occidentalisant, mourra sans doute à petit feu, mais l’Occident courra en même temps à sa perte, s’il ne parvient pas à mettre un terme à son comportement impérialiste   ! On succombe toujours par où on a péché   ! Ce n’est pas moi qui le dis, c’est dans la Bible   ! assena l’Américain de sa voix de stentor.
    —  Ni vous ni moi ne serons là quand la Chine sera morte   ! Et quant à l’Angleterre, ce jour-là, elle sera toujours bien vivante   ! conclurent les bésicles.
    C’est alors que le consul Charles Elliott, qui n’avait pas perdu une miette de la fin de la diatribe du pasteur, fondit sur ce dernier et lui lança sèchement :
    —  Monsieur le révérend, je vous prierai de réserver vos réflexions à vos ouailles   ! Je me bornerai à vous renvoyer au discours à la Chambre des communes de notre plus grand sinologue, sir Thomas Staunton AC , quelques jours avant l’offensive de nos troupes   ! C’est un homme peu suspect de dénigrement à l’égard de ce pays, dont il est assurément l’un des meilleurs connaisseurs. Eh bien, quoique déplorant cette guerre, il la considérait non seulement comme juste, mais également comme nécessaire   !
    —  Excusez-moi, monsieur le consul   ! Pour ce qui me concerne, je vous renverrai volontiers aux propos de l’Honorable William Gladstone AD qui ne se priva pas, lui, de dénoncer cette guerre   ! lui répondit, nullement impressionné, l’ecclésiastique américain, avant de se lever et de saluer l’assistance, puis de s’en aller, raide comme un piquet, suivi par Mélanie Bambridge.
    —  Allez au diable, Roberts   ! Ici, nous ne sommes pas dans votre maudit temple et n’avons que faire de vos prêches   ! hurla Elliott, fou de rage.
    Tandis que le pasteur battait en retraite, de nombreux convives vinrent féliciter le vieux consul pour ses propos musclés.
    Laura serrait très fort le bras de Joe, que la joute oratoire avait rendu nerveux. En proie à une agitation

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