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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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l’Angleterre importait en Chine des « fantaisies dont elle pouvait fort bien se passer {19}   »! poursuivit habilement le pasteur baptiste américain, histoire de mieux convaincre son auditoire sidéré et qui se tenait coi.
    Il ne faut jamais prendre de front les esprits légitimistes. Si l’on veut les influencer, il faut toujours commencer par leur instiller le doute dans la tête.
    Au bout de quelques instants, n’y tenant plus, Barbara Clearstone reprit la parole mais cette fois d’une voix forte :
    —  Je suis sûre que Sa Majesté Victoria d’Angleterre serait choquée au plus haut point si elle savait ce qui se passe ici   ! Ce pays souffre déjà suffisamment sans lui infliger tout cet opium…
    Autour d’elle, les regards étaient à présent soit consternés, soit empreints de méfiance. Pour tous les gens présents, qu’une femme osât ainsi afficher une opinion aussi tranchée, et de surcroît en présence de son mari, cela dépassait toutes les bornes de la convenance…
    —  Ma mie, mais taisez-vous, voyons   ! Vous parlez de ce que vous ne connaissez pas   ! lui murmura furtivement Brandon, gêné au plus haut point.
    Mais Barbara Clearstone, encouragée du regard par Mélanie Bambridge, n’entendait pas s’arrêter en si bon chemin. Elle semblait même avoir mangé du lion.
    —  Mais qu’est-ce que nous attendons pour faire cesser cette terrible injustice   ? Le traitement que l’Angleterre, notre pays, fait subir à ces pauvres gens est absolument abominable   ! poursuivit-elle, doigt levé, en foudroyant l’assistance qui la dévisageait désormais comme une bête nuisible.
    C’était la première fois que Barbara, apparemment sans la moindre gêne, se comportait en suffragette. Sa voix d’ordinaire si douce en était devenue rauque, rugissante, presque vulgaire. Même Laura, médusée et plutôt admirative, découvrait sa mère sous un jour qu’elle ne lui connaissait pas.
    —  L’opium est un poison d’autant plus efficace qu’il est sournois… Vendre cette terrible substance à des populations innocentes est un acte qui relève du péché mortel   ! ajouta avec véhémence Mlle Bambridge qui connaissait par cœur la leçon de son maître.
    Issachar Roberts approuva doctement en même temps que son regard sombre toisait l’assistance. Puis il leva l’index et pointa Barbara. Le moment d’asséner son plaidoyer était venu. Il était parfaitement rodé. Pas loin de la diatribe. Mais pour convaincre des Anglais bien-pensants - une espèce extrêmement coriace -, il en fallait plusieurs couches.
    —  Je partage en tous points l’avis de cette dame. La grande Chine souffre comme jamais   ! Lorsque l’ancienne capitale de l’Empire tomba aux mains des troupes anglaises, ses habitants, qui étaient pour la plupart des Tartares mandchous, se suicidèrent en masse, de peur d’être torturés et massacrés. Selon des témoins dignes de foi, on pouvait apercevoir, par l’embrasure des portes, des hommes qui tranchaient précipitamment la gorge de leurs femmes et de leurs enfants avant de les jeter dans les puits   ! Après ça, comment voulez-vous que ce peuple ne soit pas assoiffé de vengeance   ? Croyez-moi, mesdames et messieurs : lorsque la Chine se réveillera, le monde occidental tremblera   ! Nous devrions tous demander pardon au Seigneur pour avoir fait subir un tel supplice aux habitants de Nankin   ! Tout ça pour de l’opium… pour du poison   !
    L’assistance, sous le choc, écoutait le prêche en silence, laissant le pasteur, de plus en plus impérial, continuer à exposer ses arguments.
    —  Ah   ! ce maudit opium   ! Savez-vous combien de Chinois en consomment   ? Plus de quinze millions   ! Vous m’entendez bien, quinze millions de morts vivants qui se signent aux quatre veines pour assouvir leur vice   ! Et tout ça à cause des intérêts économiques de l’Angleterre   ! Tout ça parce que votre grande nation veut absolument vendre à la Chine plus qu’elle ne lui achète   !
    C’en était trop. Au sein du groupe des convives présents autour de la table, la colère grondait. Un individu aux tempes grisonnantes et qui portait un monocle se dévoua pour contrer les propos du pasteur :
    —  Les Chinois n’ont que ce qu’ils méritent   ! Les mandarins sont si corrompus qu’il ne reste plus rien à donner à manger au peuple   ! Après tout, si celui-ci se laisse faire, c’est bien de sa faute   !
    C’était un

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