La Guerre Des Amoureuses
d’eux, Maurevert voulait les pendre, mais Cabasset s’y
opposa, arguant qu’ils seraient leurs serviteurs.
En approchant de Montlieu, ils rencontrèrent
un détachement de cavalerie portant la casaque bleue aux croix blanches de l’armée
de Matignon. Une fois de plus Cabasset montra les ordres de Mayenne et les
soldats les saluèrent. Ils amenaient à Montlieu onze huguenots prisonniers
surpris dans la maison d’un riche paysan où ils célébraient la Cène. Les hommes,
de tous âges, étaient en pourpoint et tête nue, liés entre eux et garrottés. Meurtris
et ensanglantés, ils avaient été battus par les habitants qui les avaient
capturés. Arrivé à la porte de la ville, l’officier s’enquit de la présence d’un
bourreau ou d’un exécuteur de haute justice, car les protestants qui
pratiquaient leur culte devaient être mis à mort quand ils étaient livrés par
les habitants. On lui répondit par la négative, aussi fit-il porter des cordes
et étrangler ses prisonniers aux fourches des jardins qui servaient à puiser de
l’eau.
La duchesse et ses hommes étaient restés à
regarder le spectacle, comme bon nombre d’habitants et de paysans. Quand ce fut
terminé, Cabasset expliqua à l’officier qu’il logerait à Montlieu et qu’il voulait
qu’on envoie quelqu’un prévenir le maréchal de Matignon. Ils avaient besoin d’une
escorte, et qu’on les guide auprès du duc de Mayenne.
L’escorte de cinquante lances arriva le
surlendemain avec un guide qui les mena au château de Puynormand que le duc de
Mayenne venait de prendre. Ils y arrivèrent aux premiers jours de novembre. Ils
avaient mis plus du double de temps prévu, ayant sous-estimé les intempéries et
la famine.
Mayenne fut soulagé de voir arriver sa sœur qu’il
attendait avec impatience. Il aurait déjà dû être en route pour la maison forte
de La Vauguyon où il avait déjà fait partir des troupes et son meilleur
capitaine.
Au souper, entouré de quelques-uns de ses
officiers et des gens de la duchesse, il raconta cette prochaine expédition
avec force éclats de rire.
— Il y a plusieurs semaines, j’ai eu la
visite de Mme de Caumont. Elle est de la religion prétendue réformée
et pourtant elle venait me demander de l’aide ! Deux ans auparavant, le
seigneur de la Vauguyon était venu la visiter avec une troupe de gentilshommes
et, invoquant un accord entre leurs familles, il avait enlevé sa fille Anne. C’est
la seule héritière de la maison de Lustrac, et elle a quatre-vingt mille livres
de rente ! Depuis, il la garde dans sa maison forte près de Périgueux et
il lui a fait épouser son fils de huit ans. Bien sûr, le mariage n’est pas
valide, car la pauvrette n’a que douze ans.
» Mme de Caumont [62] avait demandé l’aide du maréchal de Biron pour reprendre sa fille, mais
La Vauguyon n’a jamais voulu la rendre, aussi m’a-t-elle proposé de soutenir
son mariage avec mon fils si je saisissais la maison forte de La Vauguyon. J’ai
accepté, et, à l’heure qu’il est, La Vauguyon s’est rendu et Anne de Caumont et
ses demoiselles d’honneur sont avec mon épouse [63] . Je vais aller les chercher et nous irons ensemble à la Cour dès notre
arrivée à Paris.
Chacun le félicita pour ce nouveau succès, et
le duc se rengorgea. Malgré quelques déboires, cette campagne de Gascogne était
selon lui un franc succès [64] .
Auparavant, après avoir promis à sa sœur
trente hommes d’armes pour compléter sa troupe, il avait eu avec elle un long
entretien, lui confiant tous les détails qu’il connaissait sur la fraude des
tailles conduite par le conseil des seize et lui prodiguant des conseils
judicieux pour l’enlèvement de Cassandre de Mornay. Il avait surtout assuré que
le moyen le plus simple pour se débarrasser de Navarre était de l’amener à
portée du mousquet de Maurevert. Avec un otage tel que la fille de M. de Mornay,
ce devrait être trop difficile.
La duchesse de Montpensier repartit le
lendemain pour Montauban avec sa petite armée après avoir fait écrire par le
secrétaire de son frère une courte lettre pour Cassandre de Mornay avec l’écriture
d’Olivier Hauteville, imitée grâce aux documents volés par Cabasset.
15.
La Cour entra dans la ville de Loches le 24
octobre. Les deux jours précédents, Nicolas Poulain avait envoyé des fourriers
et des maréchaux des logis pour marquer à la craie blanche la porte des maisons
retenues par la Cour,
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