La Guerre Des Amoureuses
Navarre.
— Comme vous voulez. Viens, Olivier !
Ils sortirent. Si l’un d’eux s’était retourné,
il aurait été effrayé par le regard d’Isabella.
— Allons dans ta chambre, tu apprêteras
tes bagages, dit Nicolas quand ils furent dans la galerie qui desservait les
chambres. J’irai préparer les miens et nous nous retrouverons à l’écurie où tu
as tes chevaux.
— Que vas-tu faire ?
— J’ai des affaires à régler au donjon. Quand
tu auras terminé, préviens Le Bègue de notre départ. Il continuera à faire son
travail avec l’aide de mon lieutenant. Mais avant, j’ai à te parler…
Ils entrèrent dans la chambre d’Olivier. Nicolas
ferma soigneusement la porte.
— J’ai une confession à te faire, mon ami.
J’aurais dû te parler plus tôt, mais je repoussais toujours ce moment, pour ma
sécurité comme pour la tienne…
Olivier ne comprenait pas où Nicolas Poulain
voulait en venir, alors qu’ils auraient déjà dû être sur la route.
— … Quand je t’ai rencontré, quand Le
Bègue est venu me demander de l’aide pour t’innocenter, j’étais sur le point de
m’engager dans une dangereuse entreprise dont même mon épouse ne sait rien.
Un soupçon d’inquiétude traversa le visage d’Olivier.
— Je suis au service du grand prévôt et
du roi, commença Nicolas, gauchement.
— Je sais, Nicolas, tu es aussi
lieutenant du prévôt d’Île-de-France…
— C’est autre chose. Je suis… leur agent
secret, avoua Poulain, mal à l’aise. Par fidélité envers le roi, je suis entré
dans la Ligue parisienne, dans la Sainte Union…
C’est plus l’attitude embarrassée de son ami
que ce qu’il confessait qui déconcerta Olivier. Nicolas était toujours incisif,
autoritaire, sûr de lui. Ébahi, il ouvrit la bouche pour poser une question, puis
se ravisa.
— C’est moi qui achète les armes des
ligueurs. Pour le commissaire Louchart, pour M. de La Chapelle, pour
le père Boucher, et même pour le duc de Guise, je suis des leurs…
— Toi ?
La confusion se fit dans l’esprit d’Olivier, puis
il comprit que plusieurs des événements qu’il avait vécus avaient un tout autre
sens que celui qu’il leur avait donné. Le silence s’installa entre les deux
amis.
— Je suis désolé de ne pas t’en avoir
parlé plus tôt, dit finalement Nicolas avec un sourire penaud.
La surprise fit alors place à la curiosité
chez Olivier.
— Tu savais ce que préparait la Ligue, l’année
dernière ? demanda-t-il sans qu’il y ait une ombre de reproche dans sa
voix.
— Je suis en effet au plus près du
conseil des seize, ce qui m’a permis de renseigner le roi sur ce qui se tramait
contre lui.
— Tu es ici pour eux ?
— C’est le duc de Guise qui a demandé à
la reine ma charge de prévôt de l’hôtel. Il voulait savoir ce que la reine
préparait, et sans doute que je conduise l’enquête de telle sorte que sa
famille reste hors de cause, si Navarre trouvait la mort à la Cour. En temps
utile, je pense que la duchesse de Montpensier m’aurait donné ses ordres.
» Or, le roi craignait qu’un attentat se
prépare contre son beau-frère durant ce voyage, aussi quand monsieur d’O et le
grand prévôt de France ont su que je serais le prévôt de l’hôtel, ils m’ont
ordonné de tout faire pour qu’il n’arrive rien à Henri de Bourbon.
— Mais Mme de Limeuil était aux
ordres de la reine… pas des ligueurs…
— Sans doute parce que Catherine de
Médicis veut aussi la disparition de monseigneur de Navarre. Maintenant que tu
sais tout cela, es-tu certain que le meilleur moyen de prévenir le roi de
Navarre soit d’aller à Montauban ? La Rochelle est bien plus près, et nous
l’y trouverons plus facilement.
— Pour moi, Cassandre passe avant Navarre !
répliqua Olivier. C’est près d’elle que je veux être. Je dois la prévenir et, si
c’est trop tard, la délivrer. Et puis, qu’apprendrions-nous à Navarre ? Crois-tu
qu’il ne se méfie pas ? En revanche, si nous sauvons Cassandre, il n’y
aura pas d’otage pour faire pression sur Mornay.
— Je m’incline, dit Nicolas. Tu devines, cependant,
les dangers que nous aurons à affronter…
— Ils ne me font pas peur, et puis, avec
toi, je ne risque rien ! plaisanta Olivier.
— J’aimerais, mon ami ! lâcha
Nicolas avec un soupir. J’aimerais ! Je prierai ce soir pour nous, pour ma
femme et pour mes enfants. Mais faisons comme convenu,
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