La Guerre Des Amoureuses
une banquette, près de son lit, en compagnie de la dame d’atours
qui s’occupait de l’habiller et de la pimplocher. Celle-ci, debout derrière
elle, attachait des perles dans sa chevelure relevée en chignon. Isabeau était en
noir, sans bijoux, avec un petit col de dentelle blanc comme seule parure. Pour
la première fois, Olivier remarqua les fils blancs qui parsemaient sa chevelure.
Il n’y avait plus rien en elle de l’ancienne amazone de l’escadron volant. Son
époux lui avait écrit pour lui demander de rentrer à Paris et elle avait refusé.
Elle voulait attendre la visite de Navarre pour enfin savoir, avec certitude, si
son enfant était celui auquel elle pensait.
Olivier lui annonça qu’il partait avec Nicolas
Poulain, qu’il voulait la saluer avant, et qu’il lui demandait un service. Il
laissait à la Cour son commis et son valet, ainsi que son équipage. Pouvait-elle
les aider durant le reste du voyage ? Ils n’auraient aucun protecteur en
son absence.
Avant de répondre, elle l’interrogea pour
connaître les raisons si subites de ce départ inattendu, surtout avec le prévôt
de l’hôtel. Olivier ne voulait pas l’inquiéter. Ils avaient suffisamment
souvent parlé de Cassandre pour savoir que Mme Sardini aimait bien la
jeune fille. De surcroît, Nicolas lui avait demandé de ne rien dire.
— Nous avons surpris une entreprise que
nous voulons déjouer, madame.
— Vous parlez par énigme. Où allez-vous ?
— Dans le Midi, madame.
Son visage s’assombrit.
— Si loin ? Avec la guerre ? J’espère
que M. Poulain est accompagné d’une forte troupe.
— Seulement lui et moi, madame.
— Vous êtes déments ! Jusqu’où
irez-vous ? s’exclama-t-elle en faisant signe à sa dame d’honneur de
sortir.
— En Guyenne, madame.
Elle resta un moment à le scruter, cherchant
des réponses sur son visage embarrassé. Que lui prenait-il de partir ainsi en
Guyenne ?
— C’est votre idée, ou celle de votre ami ?
demanda-t-elle enfin.
Il déglutit, se sentant piégé.
— C’est la mienne, madame. Nicolas a
seulement la bonté de m’accompagner.
Elle blêmit un peu plus et son visage décharné
laissa paraître son inquiétude, puis sa peur.
— C’est pour elle que vous partez ?
Olivier fut incapable de mentir.
— Oui, madame… Pour Cassandre.
Elle était en face de lui. Elle se leva et lui
saisit les mains.
— Dites-moi la vérité ! Je vous en
supplie !
Elle le serrait à lui faire mal. Il ne
comprenait pas son émotion, et il en resta pantois. Qu’avait-elle ? Il
bredouilla :
— Je viens d’apprendre qu’on veut l’enlever,
madame…
— Quoi ?
Pétrifié de surprise, il vit le corps entier
de Mme Sardini se raidir et son visage se contracter dans une affreuse
laideur.
— Ses ravisseurs veulent en faire un
otage, madame, lors de la venue de Navarre, expliqua-t-il.
Elle sentit la tête lui tourner et vacilla. Il
parvint pourtant à la retenir, puis il l’aida à s’asseoir.
— Qu’avez-vous, madame ? Voulez-vous
que j’appelle ?
— Non, ce ne sera rien… Ma blessure est
parfois douloureuse.
Déjà, elle s’était ressaisie.
— Qui veut enlever mademoiselle de Mornay ?
s’enquit-elle en maîtrisant sa voix.
— Nous ne sommes sûrs de rien, madame, quelqu’un
a saisi une conversation… Ce serait Mme la Duchesse de Montpensier.
— La sœur de Guise ! Malédiction !
Si elle touche à un de ses cheveux, menaça-t-elle, les yeux fulminant de colère.
Après ce bref accès de rage, de nouveau elle
parut perdre toute énergie.
— Je pourrais partir avec vous, proposa-t-elle,
avec une expression désespérée, presque suppliante.
— Vous, madame ? Mais vous nous
retarderiez…
Elle se força à se recomposer un visage
impavide.
— Je suis stupide… Prenez Hans et Rudolf,
alors.
Il secoua négativement la tête.
— Non, madame. Vous en aurez besoin. La
Cour va entrer dans un territoire en guerre. Avec Nicolas, nous irons plus vite
à deux. Il s’agit juste de prévenir mademoiselle de Mornay avant que Mme de Montpensier
n’arrive…
Elle ne l’écoutait pas et elle murmura si bas
qu’il ne put comprendre :
— Si près… et la perdre déjà…
— Que dites-vous ?
— Rien, monsieur. Soyez prudent, retrouvez-la…
et vous aurez ma bénédiction. Maintenant, laissez-moi, je vous attendrai et je
prendrai soin de vos gens. Votre commis aura toute l’aide possible de
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