La Guerre Des Amoureuses
mon
intendant.
Olivier repartit, l’esprit en plein désordre. Pourquoi
Mme Sardini s’était-elle mise dans cet état inexplicable quand il lui
avait parlé de Cassandre ?
Par privilège, la
reine possédait le droit de joyeuse entrée dans la ville de Loches. Ce
droit signifiait que les habitants devaient loger la Cour, participer aux
dépenses, donner des cadeaux et offrir des réceptions. Ainsi un vin d’honneur
devait être proposé aux fourriers qui réquisitionnaient les maisons et des
gages devaient être versés aux huissiers d’armes, aux musiciens et au guet
royal. Comme la joyeuse entrée était particulièrement ruineuse pour les
habitants, les échevins cherchaient toujours à en contester les montants. C’est
pourquoi Le Bègue en faisait une liste détaillée dans un mémoire qui serait
ensuite retranscrit dans le registre des comptes.
Quand Olivier arriva, son commis travaillait
avec d’autres employés d’écriture dans une petite salle mal éclairée, en bas du
donjon, celle même où Philippe de Commynes avait été enfermé dans une cage de
fer. Olivier lui demanda de le rejoindre dans le jardin et, s’étant mis à l’écart
d’oreilles indiscrètes, il lui annonça son départ.
Le Bègue resta atterré, tant cette nouvelle
était inattendue.
Olivier lui expliqua qu’il partait pour sauver
Cassandre et lui remit cent écus qu’il avait préparés, la plus grande partie de
l’argent qu’il possédait. Il ajouta qu’il pouvait engager un commis pour l’aider,
que le lieutenant de Nicolas Poulain le confirmerait dans sa charge, et qu’il
serait sous la protection de Mme Sardini. Il pourrait voyager avec elle et,
en cas de besoin, se faire aider de son intendant.
Désemparé, le commis ne savait que dire. Très
ému, Olivier l’accola, car Le Bègue était pour lui comme un père. Il ne voulut
pourtant rien lui dire de plus sur son voyage, se doutant bien qu’on l’interrogerait.
Il lui précisa seulement qu’il avait pris toutes ses précautions avant de
quitter Paris. Sans nouvelles de lui, Le Bègue devrait se rendre à l’étude
Fronsac, rue des Quatre-Fils, où on lui ferait part des volontés de son maître.
En effet, Olivier avait toujours pensé qu’il
resterait près de M. de Mornay. Il avait donc laissé à l’étude notariale
un acte donnant la jouissance de sa maison à son serviteur.
Pendant ce temps, Nicolas Poulain s’était
rendu chez M. de Montpensier qui logeait dans l’une des plus
remarquables maisons de la Grande-Rue dont la façade était ornée de niches
abritant des statues. Le duc allait partir au château pour rencontrer la reine.
Il reçut cependant le prévôt de l’hôtel quand celui-ci insista, en lui assurant
qu’il n’en aurait que pour quelques minutes.
— Monsieur le Duc, commença Nicolas, je m’adresse
humblement à vous sur le conseil de M. de Richelieu.
— Le grand prévôt ?
— Oui, monsieur le Duc. Avant de prendre
ma charge, M. le Grand Prévôt m’a demandé d’agir au mieux des intérêts du
roi.
Montpensier hocha la tête sans dire une parole.
— Je dois partir sur l’heure, abandonner
ma charge, quitter la Cour, monsieur le Duc. Il s’agit d’une gravissime affaire
mettant sans doute en jeu la vie et la personne du roi de Navarre…
— Peste ! Mon cousin…
— En effet, monsieur le Duc. C’est aussi
pour cela que je m’adresse à vous. Je suis confus, mais je ne peux rien vous
dire d’autre. Je vous demande seulement la grâce de défendre mon honneur auprès
de la reine.
Montpensier fit quelques pas, à la fois
hésitant et troublé par cette demande inattendue.
— Pourquoi ne pouvez-vous vous expliquer
plus avant ? s’enquit-il en se passant la main gauche sur sa barbe comme
pour la peigner.
— L’affaire terminée, je vous donne ma
parole que je vous dirai tout.
Montpensier eut une grimace d’agacement avant
de lâcher avec quelque condescendance :
— Vous conviendrez que, dans ces
conditions, il m’est difficile de vous accorder ma confiance…
— Je le comprends, soupira Poulain après
un instant d’hésitation. Je me fie donc à votre discrétion. Mme votre
belle-mère a quitté la Cour le 12 octobre…
— Je le sais.
— Je viens d’apprendre qu’elle n’est pas
partie pour Paris, mais qu’elle a rejoint son frère, le duc de Mayenne.
Un air incrédule se peignit sur le visage du
duc.
— Je l’ignorais.
— Il doit lui donner un
Weitere Kostenlose Bücher