La Guerre Des Amoureuses
m’informer
sur vous, mais si vous êtes huguenots, et que vous allez jusqu’à Agonac, vous
êtes perdus. Il y a un bataillon d’Albanais à cinq mille pas d’ici. Environ
cent cinquante arquebusiers.
— Ils sont à Agonac ? demanda
Rouffignac.
— Non, le corps de ville leur a offert
cinq cents écus pour qu’ils passent leur chemin et comme avec le château, la
ville est difficile à prendre, les Albanais ont accepté l’argent et se sont
installés dans l’église Saint-Martin.
— Où vont-ils ?
— Qui peut le savoir ? Je les ai
évités par ce sentier…
Il montra une direction sur le chemin.
— Ils viennent de Saint-Front dont ils
auraient pillé les maisons et massacré les habitants en les détranchant à la
hache pour s’amuser, m’ont dit les gens d’Agonac qui étaient épouvantés.
— Nous ne sommes point huguenots ! martela
Rouffignac.
— Cela leur importe peu ! Vers
Saint-Jean, cette compagnie a pillé et brûlé plusieurs châteaux et villages. Ils
pendent les prêtres qu’ils disent malins catholiques après leur avoir arraché
les oreilles pour les clouer aux portes des églises.
— Merci, monsieur, dit Cassandre en
frémissant, nous suivrons votre conseil et prendrons le sentier.
Le sentier était un grand détour. La nuit s’approchait
et ils avaient faim. Ils trouvèrent enfin la Beauronne où ils purent faire
boire leurs chevaux et se désaltérer. En chemin, ils n’avaient aperçu que des
flaques boueuses.
C’est Cassandre qui proposa de traverser la
rivière à un gué. Ils arriveraient ainsi de l’autre côté du village et seraient
plus facilement reçus si on pensait qu’ils venaient de Brantôme.
À la porte du bourg – la porte de Palenchas –,
on ne les laissa pas entrer. De l’autre côté de la herse en grosses poutres, les
deux miliciens portant de vieilles plates d’armure et des salades datant de la
guerre de Cent Ans, de l’époque où le Périgord était anglais, avaient trop peur
qu’ils soient protestants.
— Mais je suis bon catholique craignant
Dieu ! assura Rouffignac. Comme mon frère qui m’accompagne.
— Vous ne vous ressemblez guère ! dit
l’un des gardes après les avoir dévisagés. Nous allons chercher le curé qui
décidera.
Ils attendirent dans le froid. Finalement le
prêtre arriva accompagné du maire et d’un autre bourgeois, tous martialement
armés et casqués.
— D’où venez-vous ?
— D’Angoulême.
— Si vous êtes catholiques, décida le
curé, vous devez bien avoir une médaille sainte !
Rouffignac n’avait rien, mais Cassandre songea
brusquement à celle que lui avait donnée Olivier, et qu’elle gardait autour du
cou par amour pour lui, bien qu’elle la considérât comme l’image d’une idole.
— J’ai une médaille de la Sainte Vierge, dit-elle.
Elle la sortit et la présenta au curé à travers
la herse.
— Je vous crois, dit-il en se signant. Ce
sont de bons catholiques ! fit-il aux autres.
— Mais vous devez payer un droit pour
être à l’abri, dit le maire. Ce sera trois écus pour la nuit.
Ils payèrent et on les laissa entrer.
Ils repartirent le
matin, à l’ouverture de la porte, ayant pu acheter du fourrage, deux pains et
un morceau de lard. Ils arriveraient à Brantôme avant la nuit, avait assuré
Rouffignac.
Très vite, le temps se gâta et la neige se mit
à tomber dru. Malgré la tempête, ils entendirent le bruit étouffé d’une
galopade. Derrière eux, une troupe arrivait.
Sans se consulter, ils mirent leur cheval au
galop. Le cœur battant, Cassandre songeait que ce pouvait être les Albanais, ou
les gens de la duchesse qui les avaient déjà retrouvés. Elle suivait Rouffignac
qui avait l’air de savoir où aller. Il abandonna le chemin et ils entrèrent
dans un bois. Très vite, le bois devint forêt et ils n’avancèrent plus qu’au
trot à travers les taillis givrés. La neige tombait toujours, mais cela avait l’avantage
d’effacer leurs traces.
La chevauchée dura plusieurs heures. Ils
faisaient moult détours, Rouffignac ne parlait pas, regardant parfois le ciel
noir d’un air inquiet. Cassandre se demanda s’ils n’étaient pas perdus.
— Nous aurions dû voir Eyvirat, dit-il à
un moment.
— On s’est égarés ?
— Peut-être… avec cette neige, grommela-t-il.
— Ceux qui étaient derrière nous sont
aussi perdus, plaisanta-t-elle.
Il grimaça en désignant une sente.
— Essayons de passer par
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