La Guerre Des Amoureuses
trop vite si
elle prenait la route de Montauban, dit Mornay. De l’autre côté, il y a des
forêts dans lesquelles ils pouvaient disparaître…
— Elle est peut-être encore cachée là-bas,
fit Olivier.
— Oui, mais la Montpensier a pu aussi
retrouver ses traces.
Mornay jeta un sol au pèlerin et ils
repartirent.
— Nous n’arriverons pas ce soir au
château de Caussade. Trouvons un endroit pour faire étape, décida Caudebec.
Nicolas Poulain et
les lansquenets arrivèrent au point de ralliement vers midi. Tous étaient à
cheval, dans leur habit multicolore, bassinet et cuirasse de fer, espadon au
dos et mutileuse sur la poitrine, lance ou mousquet à la main.
Ils étaient venus à quinze avec leur chef et
prévôt, Heinz, ayant laissé leurs chariots de bagages et leur famille sous la
garde de cinq d’entre eux. Mais comme l’expliqua Heinz avec un rire tonitruant :
« Nos femmes ne risquent rien, avec une épée et un mousquet, elles se
battent comme des hommes ! »
Mornay discuta de leur engagement. Il leur
promit dix écus à chacun, pour rester au plus un mois avec lui, et cinquante
écus à verser à la famille si l’un d’eux était tué. Mais il n’y aurait ni
pillage ni butin. Ils acceptèrent et signèrent un contrat, comme c’était l’usage.
Ensuite, ils partirent. En chemin, Mornay raconta à Poulain ce qu’ils avaient
appris du pèlerin. Caudebec connaissait le pays, Mornay et Antoine un peu moins,
Heinz, assez bien. Ils décidèrent de se séparer et de se retrouver à Agonac le
lendemain. S’ils apercevaient les gens de la duchesse, quelques-uns resteraient
pour les surveiller, les autres iraient prévenir le reste de leur compagnie à
Agonac.
Le lendemain, aucun n’avait trouvé la moindre
trace.
À Agonac les habitants refusèrent l’entrée aux
lansquenets et à Mornay quand ils surent qui ils étaient. Mais Nicolas Poulain
ayant prouvé qu’il était prévôt des maréchaux et montré un passeport signé du
roi, on le laissa passer avec Olivier. Les prévôts étaient toujours craints et
respectés dans les campagnes. À l’auberge, ils obtinrent – à prix d’or – de la
nourriture et du fourrage, et le maire du bourg leur indiqua une grange, à une
demi-lieue, où les lansquenets pourraient s’installer. Olivier expliqua qu’ils
recherchaient une jeune femme accompagnée d’un jeune homme. Elle portait un
sayon. Personne n’avait vu de femme, mais le curé leur dit qu’il avait fait
entrer deux jeunes hommes, trois ou quatre jours plus tôt, dont l’un avait un
sayon à capuche. L’un des jeunes gens, qui n’avait ni barbe ni moustache, avait
montré une médaille de la Vierge qu’il avait au cou. Olivier fut certain que c’était
Cassandre.
Le curé leur apprit aussi qu’une importante
troupe, ainsi qu’une noble femme en coche, était passée le lendemain.
Fort de ces informations, ils poursuivirent
jusqu’à Brantôme, mais on n’y avait pas vu les fugitifs. Ils explorèrent
ensuite, en vain, toutes les routes, tous les chemins, durant plusieurs jours. Ce
fut M. de Mornay qui retrouva leur piste à La Chapelle-Faucher. Reçu
par M. de Chabans, il apprit que la duchesse de Montpensier était
partie quatre jours plus tôt avec une prisonnière. Une femme de chambre qui l’avait
volée, avait-elle expliqué, et qu’elle devait remettre à la justice à Angoulême.
Ils repartirent et arrivèrent devant Angoulême
le 10 décembre, sans avoir obtenu plus d’informations.
À Angoulême, la
duchesse de Montpensier logea chez M. Sibert Tison d’Argence qui avait
servi dans les troupes catholiques sous les ordres de Montluc. Argence avait
activement participé aux luttes et aux massacres contre les protestants et
était gouverneur d’Angoumois depuis quinze ans.
Le soir même de son arrivée, un lundi, la
duchesse, qui s’apprêtait à repartir pour Saint-Maixent, apprit de son hôte que
la reine mère avait quitté cette ville le 3 décembre après avoir accepté l’ultime
proposition d’Henri de Navarre : les conférences de paix se tiendraient à
Cognac.
Il était donc inutile de repartir vers le nord.
Cabasset apprit de son côté que le roi de Navarre était sur le point d’arriver
à Jarnac avec ses meilleurs capitaines et une petite armée. Tout le pays à l’est
d’Angoulême, jusqu’à Cognac, était pour l’instant aux mains des protestants, même
si une trêve venait d’être décidée et que chacun pouvait y
Weitere Kostenlose Bücher