La Guerre Des Amoureuses
circuler librement.
Quant aux conférences, ils surent le lendemain
qu’elles commenceraient le samedi et qu’elles auraient lieu à Saint-Brice, à
mi-distance entre Cognac et Jarnac, dans un château appartenant à Daniel de
Fors, maître d’hôtel du roi de Navarre. La cour de France s’installerait à
Cognac, dans le château natal de François Ier, puis dans le château de Saint-Brice,
durant les négociations.
Mme de Montpensier fut prise de
court. On était le 9 décembre ! Elle n’avait pas de temps à perdre si elle
voulait être sur place pour la première conférence.
Son projet d’assassinat du roi de Navarre
avait sensiblement évolué, sous la pression de Maurevert. Connaissant M. de Mornay,
celui-ci avait convaincu la sœur de Guise que même avec sa fille en otage, Mornay
ne trahirait jamais le Béarnais. En revanche, tuer Henri de Bourbon d’un coup
de mousquet n’était pas difficile.
— Je ferai comme pour Coligny, madame, lui
avait-il dit. Je savais quelle rue suivrait l’amiral et je me suis caché pour
tirer. Il me faut juste connaître la route que prendra Navarre de Jarnac à
Saint-Brice, que je puisse me dissimuler, et bien sûr que je puisse fuir
aussitôt après, car je n’ai pas envie de subir le sort de M. Poltrot de
Méré [75] .
Entre Jarnac et Saint-Brice, il y avait un
chemin direct, le long de la Charente, et un second, un peu plus haut dans les
terres, avait remarqué Cabasset qui était de tous leurs conciliabules. Restait
à savoir lequel emprunteraient le roi et son escorte, puis à dissimuler
Maurevert et à organiser sa fuite.
— Pour tirer, je dois être dans une
maison, madame, et que le roi passe à cinquante pas de moi. Pour fuir, j’ai
besoin d’une seconde sortie. Il serait bien que la maison soit fortifiée, car
vos hommes s’y battraient jusqu’à la mort, le temps que je sois loin. Simplement,
il ne faudra pas les prévenir que ce sera leur dernier combat… C’est alors que Mme de Mornay
sera utile. Le roi mort, son père n’aura plus les mêmes scrupules. Nous ne lui
rendrons sa fille que s’il nous aide à passer entre les lignes protestantes.
L’entreprise était réalisable, avait estimé
Cabasset, encore fallait-il trouver d’où tirer ! Y avait-il seulement une
maison forte sur les deux chemins que le roi pouvait emprunter ?
À l’hostellerie de la Croix-Blanche, près de
la porte Saint-Martial où logeait la troupe d’hommes d’armes, Cabasset et
Maurevert interrogèrent les soldats et l’aubergiste. Plusieurs hommes d’armes
venant de Cognac affirmèrent qu’il y avait bien une maison fortifiée, non loin
de Saint-Brice.
La duchesse se renseigna dans l’après-midi
auprès d’un gentilhomme au service de M. d’Argence.
— Cette maison se nomme Garde-Épée, madame.
Elle a été construite par M. Ancellin, un marchand de Beauvais qui a
acheté le fief à M. Claude Gouffier, grand écuyer de notre roi François Ier
et seigneur de Bourg-Charente. Ce n’est qu’une ferme, mais avec une belle
enceinte crénelée en bordure du chemin entre Saint-Brice et Jarnac. L’habitation
a été dressée sur un vieux logis fortifié appartenant à l’abbaye de Châtres. Garde-Épée
n’est pas défendable contre une forte troupe, car il n’y a ni tour ni donjon et
ses murs ne sont guère épais, mais elle peut résister un moment.
Cabasset se fit expliquer exactement où se
situait l’endroit. Le fief, qui commençait près de la Pierre-Levée [76] , était borné par le moulin de l’abbaye de Châtres. L’endroit
paraissait parfait pour ce qu’ils voulaient faire, pour autant que le roi de
Navarre emprunte cette route plutôt que celle le long de la Charente. Mais ça, Maurevert
assurait en faire son affaire.
Seulement, pour être en place avant le samedi,
jour de la première conférence, sachant qu’il y avait plus de dix lieues pour
aller à Garde-Épée, il fallait qu’ils partent dès le lendemain et qu’ils
trouvent où loger en route.
Le gentilhomme de M. d’Argence leur
suggéra de s’arrêter au prieuré de Sainte-Catherine. La duchesse y serait en
sécurité et le reste de la troupe trouverait place dans les communs et les
écuries. Il se proposa même de les accompagner et de les guider.
La troupe d’hommes d’armes et le coche
partirent le mercredi dès l’ouverture de la porte Saint-Martial. Ils passèrent
la nuit au prieuré, qu’ils quittèrent aux aurores, et se présentèrent le
Weitere Kostenlose Bücher