La Guerre Des Amoureuses
dissimulé par les moines.
Seulement, ce n’était pas tout. Il y avait
aussi une large ceinture en cuir, presque neuve. À des boucles étaient
attachées une bourse plate qui contenait quelques centaines de pièces d’or
ainsi que des papiers. Il en déplia un. C’était une lettre du marquis de
Caravaz adressée à Mme Armani.
Ludovic avait trouvé le trésor de l’abbaye et
l’avait caché là avec ses affaires.
Il remit tout en place et redressa le mur en
empilant les pierres, puis il reprit son chemin en s’interrogeant sur ce qu’il
devait faire.
Un quart d’heure plus tard, il retrouvait ses
compagnons, inquiets de sa si longue absence.
— Nous pourrons entrer dans Garde-Épée
par le souterrain, leur annonça-t-il. Dormons, et demain nous partirons pour
Jarnac chercher M. de Mornay et les lansquenets.
— Et moi ? demanda Ludovic.
— Je suis désolé, mais je ne peux prendre
le risque de vous laisser là, où vous pourriez être pris et nous dénoncer. Vous
viendrez avec nous.
20.
Le samedi 13 décembre, une première compagnie
de trois cents hommes d’armes sortit de Jarnac. Derrière elle chevauchait une
centaine de gentilshommes qui entouraient le roi de Navarre. Derrière encore
suivait une autre compagnie comprenant la fine fleur de la noblesse protestante
de Saintonge. Cette petite armée emprunta le chemin longeant la Charente qui
conduisait à Saint-Brice et à Cognac.
Au château de Saint-Brice, une grande partie
de la Cour était arrivée la veille. La reine, bien sûr, mais aussi les ducs de
Montpensier, de Nevers et de Retz, ainsi que plusieurs chevaliers du
Saint-Esprit, tous conseillers de Catherine de Médicis ou observateurs pour le
roi Henri III.
Le soir même de leur arrivée, la reine avait
découvert la catastrophe. En cherchant le flacon contenant le philtre de
Ruggieri pour le remettre à Mme de Sauves, elle ne l’avait pas trouvé
dans son coffret.
Pour la première fois depuis la mort de son
mari Henri, elle sentit le poids des ans. Depuis le début, ce voyage ne lui
avait apporté que des déboires : l’incompréhensible tentative d’assassinat
contre Mme Sardini, la fuite de son prévôt, les Gelosi qui s’étaient
volatilisés avec Ludovic Gouffier, et maintenant, ce vol.
Personne n’entrait jamais dans les pièces où
était rangé le coffret à flacons, sinon ses dames d’honneur. Bezon avait
enquêté. Selon lui, ce ne pouvait être qu’une de ses favorites qui l’avait pris.
Probablement Marie de Surgères ou Hélène de Bacqueville, ces deux petites
dindes ayant dû vouloir l’essayer pour s’amuser. Sûre d’elle, Catherine leur
avait fait donner les étrivières, mais même sous le fouet, elles n’avaient rien
avoué.
La reine ne pouvait plus utiliser ni Isabeau, qui,
amaigrie et éteinte, n’était que l’ombre de la séduisante courtisane qu’elle
avait été, ni Isabella, partie avec les Gelosi, et ne disposait même plus de
philtre d’amour.
Son projet de mariage entre sa petite-fille
Christine et le roi de Navarre était donc définitivement brisé. Pourtant, jusqu’au
dernier moment, elle y croyait encore. Quelques jours auparavant, elle avait
convaincu Mme de Sauves de recevoir dignement le roi de Navarre à sa
place et de lui offrir à dîner, lors des conférences. Comme la maîtresse de
Guise minaudait, en se jugeant trop vieille, la reine mère lui avait promis de
lui faire passer un philtre d’amour qui, absorbé par le Bourbon, le ferait
tomber dans ses rets.
Si Navarre refusait ses propositions de paix, ce
serait donc le poison, et ce serait Mme de Sauves qui, à son insu, l’administrerait.
Catherine de Médicis avait décidé que la
maîtresse du duc de Guise offrirait à dîner au roi le dernier jour de la
conférence. Si le Béarnais avait accepté ses propositions de paix, il resterait
en vie. Sinon, et si Mme de Sauves était parvenue à lui faire boire
le contenu du flacon, la Cour serait en sécurité dans la forteresse de
François Ier, à Cognac, quand le poison agirait.
Une fois Navarre mort, tout accuserait Mme de Sauves
qui aurait un rapide procès et serait exécutée sur place. Il suffirait ensuite
de répandre la rumeur que cette perverse femme avait agi sur ordre du duc de
Guise pour que celui-ci soit définitivement écarté du trône de France.
Accueilli par le duc
de Montpensier et le maréchal de Biron, le roi de Navarre et sa suite entrèrent
dans la grande salle du
Weitere Kostenlose Bücher