La Guerre Des Amoureuses
s’accommoder, ayant déjà décidé que seule la
destruction de leurs ennemis pouvait assurer leur sécurité.
Elle refusait pourtant de s’avouer vaincue. Déjà
enfant, quand Navarre vivait au Louvre, il lui avait donné bien du fil à
retordre. « Il est pire que mes propres enfants ! » avait-elle
dit un jour de colère à l’ambassadeur vénitien. Depuis, il n’avait cessé de s’opposer
à elle, mais cette fois, elle était décidée à le dominer.
Le matin du lundi, elle aborda la faiblesse
des armées protestantes. Il lui répondit avec insouciance qu’il n’était pas
sans soutien.
— Mon fils, vous vous abusez ! ironisa-t-elle.
Vous pensez avoir des reîtres, et vous n’en aurez point !
— Madame, je ne suis pas ici pour
entendre des nouvelles de mon armée, remarqua-t-il suavement.
— Je ne veux plus d’armée étrangère dans
le royaume ! s’emporta-t-elle. Vous devez renoncer à cette levée allemande !
C’est la première condition d’une paix durable.
— Madame, répondit Henri, le respect du
roi et ses commandements m’ont fait demeurer faible pendant des années. Vous ne
pouvez m’accuser que de trop de fidélité, mais je dois aussi me défendre. Je ne
suis pas homme à désarmer quand on s’efforce de m’accabler de toutes parts.
— Vous devriez trembler à la vue des
forces considérables qui vont fondre sur vous, et dont j’ai jusqu’ici suspendu
les coups ! menaça-t-elle.
— Vous voyez bien, madame, que j’ai
besoin de secours ! plaisanta-t-il.
Comprenant qu’elle n’arriverait à rien par ses
menaces, Catherine de Médicis revint sur le changement de religion de son
gendre. Il lui répondit gravement, en secouant la tête :
— Je ne pourrais me décider à cette chose
avec conscience et honneur que par un légitime concile, auquel nous nous
soumettrons, moi et les miens.
Navarre proposa alors que son cousin le
remplace un moment pour qu’il fasse part à ses amis de la discussion qui venait
d’avoir lieu.
— Elle veut que j’abjure ! leur
dit-il, mais me refuse toute sûreté. Ce n’est qu’un piège de plus pour me faire
renoncer aux troupes qui arrivent d’Allemagne. Elle cherche seulement à me
laisser seul, abandonné de tous mes partisans !
Avec Condé, la reine mère n’eut pas plus de
succès. Elle l’exhorta aussi, au nom du roi, à se convertir au catholicisme. Il
lui répondit, comme l’avait fait Navarre, et comme le fit plus tard le vicomte
de Turenne, qu’il ne voulait changer de religion qu’après avoir été instruit
par un concile.
C’était bien sûr une tactique. Ils devaient
encore gagner du temps, et pour cela prolonger une trêve qui était toute à leur
avantage. Au printemps ou à l’été, les reîtres seraient là pour les soutenir.
La conférence se poursuivit encore quelques
heures sans aucune avancée. En dernier recours, la reine demanda à Navarre de
renoncer à cette guerre dont il supportait seul les incommodités.
— Je les porte patiemment, madame, puisque
vous m’en avez chargé… pour vous en décharger, répliqua-t-il gravement.
Peu après le début
de la conférence, on prévint Mme Sardini de l’arrivée de M. de Mornay
et de sa fille. Elle les reçut debout, dans sa chambre.
Quand ils entrèrent, elle dévisagea longuement
Cassandre avant de l’étreindre avec une violence passionnée. Sans comprendre
pourquoi, Cassandre la serra tout autant, éprouvant un inexplicable bonheur.
Comme M. de Mornay restait interdit
par ces effusions, Isabeau de Limeuil se tourna vers lui en effaçant quelques
larmes qu’elle n’avait pu retenir.
— Monsieur, je suis si heureuse. J’avais
si peur pour ma… votre fille.
— Peur, madame ? s’enquit-il, troublé
par le mot qu’il venait d’entendre.
— À Loches, M. Hauteville m’avait
annoncé qu’il partait vous prévenir des funestes projets de Mme de Montpensier.
— Par tromperie, cette femme est parvenue
à m’enlever, madame. Mais Olivier m’a retrouvée, et avec son ami Nicolas, mon
père et M. Caudebec, ils sont parvenus à me délivrer.
— Racontez-moi tout, demanda Mme Sardini,
les yeux maintenant brillants de bonheur.
Cassandre fit à nouveau le récit de son
enlèvement, et son père celui de sa libération.
— J’aurais voulu remercier M. Hauteville,
et son ami, dit alors Isabeau.
— Ce sera facile, madame, ils n’ont pas
voulu venir à la Cour, craignant la vengeance de la reine,
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