La Guerre Des Amoureuses
flots. Certes, la rivière était grosse depuis
des semaines, mais personne n’aurait pensé que le chemin puisse ainsi s’effondrer.
Tandis que M. de Mornay paraissait fort préoccupé en contemplant les
flots mugissants à l’endroit où passait la route la veille, l’un des officiers
du roi lui fit remarquer en riant :
— Une mine ou une explosion n’aurait pas
fait mieux, monsieur !
Cet incident inattendu déplaisait fort à M. de Mornay,
qui serait bien resté pour en savoir plus mais Turenne arrivant, le roi le
manda près de lui pendant que le vicomte faisait un compte-rendu de sa
conversation avec la reine mère. Après l’avoir écouté, Condé conseilla que l’on
rebrousse chemin, mais Navarre se résolut à donner une dernière chance à
Catherine de Médicis.
L’escorte prit donc un autre chemin qui les
ramena vers la seconde route, celle qui passait devant Garde-Épée. Vaguement
inquiet, Mornay décida alors de rester à tout instant au plus près du roi.
Un peu plus tard, un paysan venu examiner l’endroit
où le chemin s’était effondré découvrit quatre cadavres flottant dans l’eau. Ce
n’étaient pas des gens du pays. On les transporta à l’église de Bourg-Charente.
La veille, M. de Mornay avait
demandé un entretien privé à Henri de Navarre et à son cousin le prince de
Condé. Accompagné de Cassandre, il leur avait raconté comment Mme Sardini
avait perdu sa fille après sa rupture avec le père du prince, et à quelle
occasion il avait recueilli Cassandre après la Saint-Barthélemy.
Henri de Condé avait éclaté de rire.
— Monsieur de Mornay ? Croyez-vous
vraiment à cette fable ?
— Pour ma part, oui, monseigneur, et je
ne cherche pas à vous en convaincre. Je voulais juste vous informer. Si vous ne
me croyez pas, tant mieux ! Ma fille – il insista sur ce mot – sera plus
heureuse si elle reste simplement ma fille.
— Elle peut le rester ! avait lâché
dédaigneusement Condé. Que ferais-je d’une sœur bâtarde ?
Cassandre, devenue livide, était parvenue à se
contenir, tandis que Navarre avait arrêté son cousin d’un geste.
— Ne prenons pas de décisions hâtives, Henri.
Que tu le veuilles ou non, mademoiselle de Mornay est peut-être une Bourbon. Cela
demande qu’on s’y arrête. Après la conférence, nous réunirons un tribunal d’honneur
et nous interrogerons Mme Sardini. Cela vous convient-il, mes amis ?
À Cognac, lors de la
troisième entrevue, la reine demanda à nouveau à Navarre l’abandon de la
religion protestante en insistant sur la volonté du roi. Devant son nouveau
refus, elle accepta le principe d’une longue trêve entre les armées du roi et
les groupes protestants, à condition que son gendre contremande l’armée
étrangère des reîtres. Le roi de Navarre lui répondit qu’il ne voulait pas d’une
longue trêve, mais plutôt d’une bonne paix, sans rien promettre sur l’armée
étrangère.
Les conseillers de Catherine prirent cette
fois la parole, s’efforçant de séduire Henri par la perspective des bonnes
grâces royales, dont il tirerait de grands avantages. Mais les promesses de ces
bénéfices – bien incertains – n’ébranlèrent nullement le Béarnais.
Le duc de Nevers eut alors la hardiesse de lui
faire remarquer, sur un ton moqueur :
— Sire, vous seriez mieux à faire la cour
au roi de France qu’au maire de La Rochelle où vous n’avez pas les moyens d’imposer
un sou !
— Nous n’entendons rien aux impositions, car
il n’y a pas d’Italien parmi nous, plaisanta Navarre, en faisant allusion aux
financiers italiens de Paris qui affermaient les impôts.
L’assistance ayant ri, il ajouta, plus sérieux :
— Je fais à La Rochelle ce que je veux… n’y
voulant que ce que je dois.
Catherine suggéra alors de suspendre, pour une
année, l’exercice de la religion réformée, et de conclure en même temps une
trêve afin d’assembler les États généraux auxquels on soumettrait les
conditions d’un accommodement.
Henri de Navarre et le prince de Condé
proposèrent plutôt une trêve pendant laquelle ils manderaient les députés
protestants des provinces pour connaître leur sentiment. À son tour, Catherine
refusa, si bien qu’il ne fut décidé qu’une trêve de douze jours, le temps de
rendre compte au roi et d’attendre ses ordres.
Navarre quitta
Cognac avec la conviction que la paix ne serait pas possible, mais satisfait
tout de même
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