La Guerre Des Amoureuses
baignant
dans une mare de sang, Maurevert agonisait.
Olivier, lui, était dans une situation
désespérée et ne faisait que parer. Reculant sans cesse, il heurta une souche
et trébucha. Nicolas Poulain l’aperçut, glissant par terre, mais fut incapable
d’arriver à temps pour le sauver. Il vit avec effroi le valet du maestro Jacopo
sur le point d’enfoncer son épée dans la poitrine de son ami.
Le coup de feu retentit quand l’épée allait le
toucher. Le visage du valet explosa dans une mare de sang.
Un groupe de cavaliers arrivait. C’était
Caudebec qui avait tiré avec une arquebuse à rouet.
Il y avait là une dizaine de gentilshommes
parmi lesquels Poulain reconnut M. de Dangeau le baron de Jarnac et Il
Magnifichino en croupe derrière M. de Dangeau.
— À temps, monsieur Hauteville ! lança
Caudebec dans un éclat de rire.
Olivier se relevait, couvert de boue, haletant.
Ne comprenant pas comment il pouvait être encore vivant.
Déjà Mornay et Poulain s’avançaient vers les
cavaliers qui sautaient au sol. Le premier mot de Mornay fut au baron de Jarnac :
— Le roi ?
— Inconscient, j’ai vu qu’on le
transportait dans une charrette. Qui sont ceux-là ?
Il désignait les corps.
— Les assassins aux ordres de Mme de Montpensier,
répondit Mornay. Ils avaient creusé une mine sous le chemin. Voilà à quoi
servaient les tonnelets de poudre qu’ils avaient pris. Ils ont aussi fait
sauter la route ce matin, pour nous obliger à prendre le chemin devant
Garde-Épée.
— Que faisons-nous d’eux ? demanda
Dangeau. Le barbu est encore vivant…
Si Maurevert avait les yeux ouverts, son
regard était déjà vitreux, car il était en train de mourir, l’artère ayant été
sectionnée.
— Jetez-les dans la Charente ! décida
Mornay avec dégoût.
Les gentilshommes qui avaient accompagné
Dangeau se saisirent des corps par les pieds et les mains et les lancèrent à l’eau.
Maurevert fut le dernier, il disparut vite, emporté par les flots. Tout le
monde le regarda couler, mais seul Mornay et ses proches savaient que
disparaissait ainsi celui qui avait provoqué la Saint-Barthélemy.
— Monsieur Chabot, dit ensuite Mornay, je
ne vous remercierai jamais assez pour m’avoir appris la botte de votre père. J’ai
bien cru que ma dernière heure était venue avec ce démon. Je n’avais jamais
croisé un duelliste pareil !
— C’est un plaisir pour moi de vous l’avoir
enseignée, car en effet peu de gens arrivent à la parer si elle est bien amenée
avec la dague.
— Quant à moi, monsieur Caudebec, je vous
dois tout ! dit Olivier en l’accolant.
— Vous devez tout à M. Venetianelli !
le contraria Caudebec. Il a été attrapé par des gardes en tentant de vous
rejoindre et se débattait comme un diable quand M. Dangeau l’a reconnu. Il
parvenait à s’expliquer quand je suis arrivé. Je cherchais M. de Mornay,
qui était près du roi, craignant qu’il ait aussi été atteint. On a rassemblé
nos amis, et on est partis à votre poursuite. Mais vous n’auriez pas dû y aller
seuls, vous avez failli être tués !
— Nous aurions attendu, ils se seraient
enfuis, répondit sobrement Olivier.
— Je crois que nous pouvons rentrer, décida
Mornay. Allons voir comment est le roi.
Ils revinrent à
Jarnac. M. Léonord Chabot les conduisit directement à Henri de Navarre qui
venait d’arriver, transporté dans une charrette. Le roi, couché, avait repris
conscience. Ils furent tous reçus dans sa chambre, en présence de deux de ses
médecins, du prince de Condé, de François de La Rochefoucauld, du baron de
Rosny et de M. de Turenne.
— C’est la chute du cheval qui a provoqué
les saignements, expliqua un médecin. Aucune partie vitale n’a été touchée.
— Que le secret soit gardé sur cet
attentat ! gronda Condé. Cela pourrait donner à d’autres de funestes idées.
Tous ceux qui étaient là ont été prévenus : il s’agit d’un accident. Quant
aux autres, il sera raconté que le cheval de mon cousin a eu peur d’une bande
de cochons sauvages [80] .
Mornay approuva avant de s’agenouiller devant
le roi.
— Sire, c’est M. Hauteville qui vous
a prévenu.
— Ventre-saint-gris ! Il m’avait
semblé vous reconnaître, monsieur, remuant les bras et hurlant comme un fou !
Racontez-moi tout !
— J’étais en haut du mur de Garde-Épée, sire,
lorsque j’ai vu un homme accroupi se lever et s’éloigner à
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