La Guerre Des Amoureuses
Olivier Hauteville et Mme Sardini à sa
fille. Leur séparation fut longue, émouvante et pleine de larmes. Ils partirent
avec Le Bègue, malgré un gel à pierre fendre. Il Magnifichino était
évidemment avec eux. Le roi de Navarre leur donna une petite escorte jusqu’à
Poitiers.
La veille, M. de Montpensier avait
rencontré Poulain après le conseil de famille. Il avait parlé à la reine mère, après
qu’elle ait eu connaissance de l’attentat, pour lui dire que l’entreprise
criminelle avait été déjouée par M. Poulain, et que c’est lui-même qui
avait demandé au prévôt de quitter la cour de la reine, à Loches, pour
poursuivre une enquête à ce sujet. Ce mélange de vérité et de mensonges
permettrait à Nicolas Poulain de ne pas subir les foudres de Catherine de
Médicis en rentrant à Paris.
Nicolas le remercia, désormais pleinement
rassuré.
Le Béarnais repartit pour la Rochelle après
avoir signé la trêve tant désirée le 22 décembre. Celle-ci devait durer
seulement jusqu’au 6 janvier. Le roi de Navarre ne devait jamais revoir
Catherine de Médicis.
Philippe de Mornay rentra à Montauban avec sa
fille et Olivier Hauteville. Henri de Navarre n’avait pas demandé que Cassandre
reste à sa Cour. Le voyage fut particulièrement confortable dans le coche de la
duchesse de Montpensier !
Le reine mère resta
à Cognac jusqu’à la mi-janvier, traitant avec les ambassadeurs que lui envoyait
Navarre et espérant toujours conclure. Puis l’insécurité devenant grandissante,
car avec le départ du Béarnais, les bandes de pillards protestants étaient de
plus en plus audacieuses, la reine remonta jusqu’à Niort, puis à Fontenay. Là, elle
s’efforça de renouer les négociations, mais Henri ne voulut plus traiter en
personne. Il lui envoya donc le vicomte de Turenne avec les pleins pouvoirs
pour prolonger la trêve jusqu’à la fin de février. Durant ces conférences, Turenne
resta raide et irrespectueux, exigeant deux mois de trêve supplémentaires pour
que le roi de Navarre puisse convoquer des députés de toute la France. La reine
refusa et quand Turenne apprit que l’armée des reîtres était prête, il lui
déclara même avec insolence :
— Le roi de Navarre ne comptera sur la
paix que le jour où il sera fort. Aujourd’hui, le voici fort, madame !
À Paris, de nouveaux troubles venaient de
débuter à l’instigation de la Ligue et des seize. La reine avait échoué et
perdu huit mois. Le 7 mars, Catherine de Médicis et sa Cour rentrèrent dans la
capitale. Tout devait désormais se régler par les armes.
23.
Mme de Montpensier arriva à Paris au
milieu d’un mois de janvier glacial, à peu près en même temps que Nicolas
Poulain et Mme Sardini. Le froid terrible qui s’était étendu sur la France
à la fin de l’année, et au début de 1587, l’avait contrainte plusieurs fois à
des étapes prolongées. Pour la duchesse, le retour s’était fait dans la honte
et dans des conditions d’extrême inconfort. À Angoulême, elle avait dû se faire
prêter de l’argent pour acheter chevaux et voitures. Elle n’avait plus de linge,
plus de bagages et les hommes d’armes qui lui restaient étaient démoralisés. Le
capitaine Cabasset servait désormais de premier gentilhomme bien qu’elle
éprouvât envers lui un sentiment mitigé, car elle ne comprenait pas pourquoi
cette abjecte Cassandre de Mornay lui avait témoigné de la reconnaissance. En
même temps, il était le seul sur qui elle pouvait s’appuyer.
Arrivée à l’hôtel du Petit-Bourbon, elle se
reposa durant quelques jours, ruminant une terrible vengeance envers Cassandre
et Olivier Hauteville pour qui elle ressentait à présent une incommensurable
haine. Elle échafaudait ainsi d’effroyables représailles quand elle reçut la
visite de Dominique Miraille. Le domestique lui annonça qu’il avait fabriqué la
statuette de cire.
Miraille lui rappelait tout ce qu’elle avait
éprouvé, et qu’elle rejetait désormais. Elle décida de le chasser, puis s’inquiéta
de ce qu’il pourrait raconter, aussi fit-elle venir un ami procureur au
parlement à qui elle expliqua qu’un serviteur de ses écuries pratiquait la
magie. Elle lui demanda une enquête discrète à laquelle elle ne serait pas
mêlée.
Le procureur, accompagné d’un conseiller et d’un
exempt, pratiqua une perquisition dans la chambre du pauvre homme. Ils y
découvrirent la statuette avec ses aiguilles, ainsi
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