La Guerre Des Amoureuses
avait organisé ce trafic serait bouilli
aux Halles dans une grande marmite ; c’était la peine pour faux monnayage
prévue par l’édit du 11 juin 1556.
De son côté, Poulain s’inquiéta auprès de
Richelieu des mesures prises contre les derniers protestants de Paris, et dont
ses beaux-parents lui avaient parlé la veille. Fataliste, le grand prévôt lui
répliqua que c’était le seul moyen que le roi avait trouvé, sur les conseils de
Villequier, pour faire rompre les négociations entre Navarre et sa mère.
Quelques jours plus
tard, ayant repris ses chevauchées à Saint-Germain, Nicolas Poulain reçut la
visite du commissaire Louchart et de Bussy Le Clerc.
Après avoir écouté un récit de son voyage (un
récit fort incomplet, bien sûr), les deux ligueurs lui expliquèrent qu’ils
avaient à nouveau besoin qu’il leur achète des armes. Ils préparaient une
nouvelle entreprise et ils l’attendaient vendredi, à la prochaine réunion de la
Ligue qui se tiendrait au collège de Forteret, en haut de la montagne
Sainte-Geneviève.
Malgré une épaisse neige, Poulain s’y rendit
et retrouva tous les comploteurs qu’il connaissait, ainsi que de nouveaux. En
particulier, il aperçut M. de Nully, le président de la Cour des
aides, qui n’était plus prévôt des marchands depuis que M. de Perreuse,
fidèle au roi, l’avait remplacé [81] . Circulant entre les groupes avant que la réunion ne commence, Poulain
remarqua que les ligueurs rageaient surtout contre le roi qui les saignait et
les ruinait.
Le froid était mordant dans la salle non
chauffée et beaucoup sautillaient en soufflant dans leurs mains. Enfin M. de Mayneville
arriva accompagné d’une suite de gentilshommes, tous revêtus d’épais manteaux
de fourrure. Ils escortaient le duc de Mayenne de retour de Guyenne.
Le silence se fit aussitôt et Mayenne s’installa
dans une grande chaise, sorte de trône, qu’on lui avait préparé. Il remercia
brièvement les bourgeois, et quand M. de La Chapelle s’inquiéta
auprès de lui des impôts dont on les pressurait, il leur promit d’en parler au
duc de Guise, son frère. Dans l’immédiat, ne pouvant s’opposer au roi, il leur
suggéra de coller des affiches sur les portes afin de faire connaître à tout le
monde les turpitudes royales et de rendre ainsi Henri III encore plus
odieux.
Mayenne repartit sans rien proposer de plus, laissant
les ligueurs fort désappointés. Après son départ, M. de La Chapelle
prit la parole.
— Vous avez entendu monseigneur de
Mayenne, mes amis. Je crois que nous ne devons désormais compter que sur nous. Monsieur
Poulain, pouvez-vous nous acheter des mousquets ?
— Sans doute, hésita Poulain, mais pas
beaucoup, vous le savez. Et ces armes sont très chères…
— Nous préférons utiliser notre argent à
acheter des mousquets que le donner au roi pour ses mignons ! Monsieur Le
Clerc, vous ferez porter deux mille écus à M. Poulain pour qu’il nous
équipe. Et vous, monsieur Poulain, vous porterez ces armes chez moi et chez M. Le
Clerc.
— Plus à l’hôtel de Guise ? s’étonna
le lieutenant du prévôt.
— Non, il est temps que la Ligue
parisienne montre sa force.
Nicolas informa Richelieu dans les jours qui
suivirent, puis commença à acheter des mousquets en utilisant la lettre du
prévôt Hardy que le grand prévôt lui avait donnée l’année précédente.
Ce ne fut que le vendredi 20 février qu’il
apprit que les ligueurs de la Sainte Union avaient décidé de donner l’assaut au
Louvre. Ils pénétreraient dans le palais le dimanche suivant par le pont-levis
du côté de Saint-Germain-l’Auxerrois. Une armée de quelque cinq cents hommes
était prête et La Chapelle lui demanda de la rejoindre à la Croix-du-Trahoir, le
point de rassemblement.
Poulain rencontra Richelieu le lendemain. En
dénonçant la tentative, il risquait fort d’être suspecté, mais il ne pouvait
laisser attaquer le palais royal sans rien faire. Richelieu le rassura, car il
n’y avait pas de raison pour qu’on le soupçonne plus que les cinq cents autres
conjurés. En revanche, l’audace de l’entreprise l’inquiéta fort, car elle
montrait à quel point les bourgeois parisiens n’avaient plus peur du roi, et
combien ils étaient déterminés. Elle pouvait même réussir tant la garde suisse
était clairsemée.
Le samedi 21 février, le roi fit renforcer la
garde du palais et lever le pont-levis. Il ordonna aussi au
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