La Guerre Des Amoureuses
prévôt des
marchands d’organiser des rondes dans les rues de la ville et de saisir ceux
qui circuleraient après le couvre-feu. Comprenant que leur entreprise était
découverte, M. de Nully prévint son gendre, M. de La
Chapelle, et l’expédition fut annulée.
Le lundi, comme le duc de Mayenne venait au
Louvre, le roi l’accusa publiquement d’être responsable de l’entreprise qui
venait d’être déjouée. Le frère de Guise, qui en ignorait tout, assura que ce n’étaient
que ragots mensongers rapportés par les hérétiques afin de le rendre odieux. Henri III
ne le crut pas et Mayenne repartit, alarmé par cette affaire qu’il ne
comprenait pas et par les menaces du roi.
Henri III avait compris que l’irrésolution
des chefs de la Ligue les avait fait reculer. Il poussa donc son avantage et
établit dans tous les quartiers de la ville des chevaliers du Saint-Esprit pour
monter la garde. En même temps, il fit rechercher dans les maisons suspectes
les armes qui s’y trouveraient et fit crier à son de trompe que tout soldat
sortît de la ville dans vingt-quatre heures, sur peine de la hart.
Les jours suivants, la Ligue, apeurée et sur
la défensive, afficha des placards où on lisait :
Sera-ce toujours, pauvres catholiques, que
vous vivrez en cette calamité, d’attendre que l’on vous vienne à toute heure
couper la gorge dans vos lits, sous une prétendue fausse conspiration ?
Les affiches accusaient aussi les Parisiens de
lâcheté et leur demandaient de ne plus céder à la force. Reprenez cœur ! y voyait-on. C’était un appel à l’insurrection.
Quelques jours plus tard mourut Charles Hotman,
receveur de l’évêque de Paris et fondateur de la Sainte Union. Presque en même
temps les Parisiens apprirent l’exécution de la reine d’Écosse, qui avait eu la
tête tranchée comme criminelle de lèse-majesté.
Ces deux événements calmèrent, un temps, les
esprits agités.
Pour la mort de Marie Stuart, nièce des Guise,
la Cour et la maison de Lorraine prirent le deuil et il fut fait un solennel
service religieux où assistèrent tous les grands du royaume, les cours
souveraines, le Châtelet et le corps de la ville. Durant les semaines qui
suivirent, les ligueurs crièrent partout que Marie Stuart était morte en
martyre pour la foi catholique, apostolique et romaine. Une opinion
soigneusement entretenue par Mme de Montpensier qui demanda aux
prédicateurs des églises de louer la reine dans leurs sermons.
À Montauban, François
Caudebec proposa à Olivier de le loger. Il occupait deux pièces au premier
étage d’une rue sombre, étroite et non pavée, derrière la place d’Armes, et il
savait qu’un bouge était disponible, à l’étage au-dessus. Olivier aurait pu
trouver un logement plus agréable, il avait suffisamment d’argent pour cela, mais
n’en éprouvant pas le besoin, il accepta le bouge qui ne contenait qu’un lit
étroit et un coffre.
M. de Mornay était gouverneur de la
ville. Il avait en charge non seulement la défense de Montauban et de ses
environs mais aussi le ravitaillement, la justice et les affaires religieuses. Tous
les matins, jusqu’en avril, Olivier se rendit chez lui où il avait continuellement
des comptes à faire et des dépêches à écrire, travail qu’il partageait avec un
autre secrétaire. Généralement, il dînait sur place et voyait Cassandre lors
des repas. Cela lui suffisait.
L’après-midi, s’il faisait beau, avec Caudebec
et d’autres gentilshommes, ils traversaient le Tarn par le grand pont de brique
aux sept grandes arches, et, hors de la ville, ils s’entraînaient à l’épée, à
la pique, au pistolet et à l’arquebuse. C’étaient parfois de véritables
tournois auxquels assistaient M. de Mornay et les notables
protestants de la ville, parfois rejoints par des hobereaux du Rouergue, du
Quercy et du Périgord qui venaient à Montauban rencontrer le pape des
huguenots.
Durant ces mois, Olivier ne se rendit jamais à
la messe tout simplement parce qu’il n’y avait plus de lieu de culte. Depuis la
prise du pouvoir par la bourgeoisie protestante en 1561, les églises
catholiques montalbanaises avaient été saccagées et la plupart détruites.
Seule l’église Saint-Jacques était toujours
utilisée, mais comme lieu de culte protestant.
Au début, Olivier priait seul. Puis il le fit
moins souvent. Sa foi s’atténuait. La lecture d’ouvrages protestants accentuait
cette tiédeur sans
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