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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: J.H. Rosny aîné
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immense, patiente, sournoise, où la chair des plantes et des bêtes ne cessait de succomber et de croître...

    Un jour, la femme-chef montra les sous-bois d’un air énigmatique. Parmi les feuilles d’un figuier, un corps bleuâtre venait d’apparaître et Naoh reconnut un homme. Se souvenant des Nains Rouges, il trembla de haine et d’anxiété. Le corps disparut. Il se fit un grand silence. Les Wah, avertis, arrêtèrent leur marche et se rapprochèrent davantage les uns des autres.
    Alors, le plus vieil homme de la horde parla.
    Il dit la force des Hommes-au-poil-bleu et leur colère effroyable ; il assura que, par-dessus toutes choses, il ne fallait pas prendre la même route qu’eux ni passer au travers de leur campement ; il ajouta qu’ils détestaient les clameurs et les gestes.
    – Les pères de nos pères, conclut-il, ont vécu sans guerre dans leur voisinage. Ils leur cédaient le chemin dans la forêt. Et les Hommes-au-poil-bleu, à leur tour, se détournaient des Wah dans la plaine et sur les eaux.
    La femme-chef acquiesça à ce discours et leva son bâton de commandement. La horde, prenant une direction nouvelle, se coula par une futaie de sycomores et finit par déboucher dans une grande clairière : c’était l’oeuvre de la foudre, on apercevait encore des cendres de branches et de troncs d’arbres. Les Wah et les Oulhamr y pénétraient à peine, que Naoh discerna de nouveau, vers la droite, un corps bleuâtre pareil à celui qu’il avait aperçu parmi les feuilles du figuier. Successivement, deux autres formes se détachèrent dans la pénombre glauque. Des branches bruirent ; il surgit une créature souple et puissante. Personne n’aurait pu dire si elle était survenue à quatre pattes, comme les bêtes velues et les reptiles, ou à deux pattes, comme les oiseaux et les hommes. Elle semblait accroupie, les membres postérieurs à moitié allongés contre le sol, les membres avant en retrait, posés sur une grosse racine. La face était énorme, avec des mâchoires d’hyène, des yeux ronds, rapides et pleins de feu, le crâne long et bas, le torse profond comme celui d’un lion mais plus large : chacun des quatre membres se terminait par une main. Le poil, sombre, aux reflets fauves et bleus, couvrait tout le corps. C’est à la poitrine et aux épaules que Naoh reconnut un homme, car les quatre mains en faisaient une créature singulière, et la tête rappelait le buffle, l’ours et le chien. Après avoir tourné de toutes parts un regard méfiant et colère, l’Homme-au-poil-bleu se dressa sur ses jambes. Il poussa un grondement caverneux.
    Alors, pêle-mêle, des êtres semblables jaillirent du couvert. Il y avait trois mâles, une douzaine de femelles, quelques petits qui se cachaient à demi parmi les racines et les herbes. Un des mâles était colossal : avec ses bras rugueux comme des platanes, sa poitrine deux fois vaste comme celle de Naoh, il pouvait renverser un aurochs et étouffer un tigre. Il ne portait aucune arme, et, parmi ses compagnons, deux ou trois tenaient des branches encore feuillues dont ils grattaient la terre.
    Le géant s’avança vers les Wah et les Oulhamr, tandis que les autres grondaient tous ensemble. Il se frappait la poitrine, on voyait la masse blanche de ses dents reluire entre les lourdes lèvres frémissantes.
    Les Wah, sur un signe de la femme-chef, battaient en retraite. Ils le faisaient sans hâte. Obéissant à une tradition ancienne, ils s’abstenaient de tout geste comme de toute parole. Naoh les imita, confiant dans leur expérience. Mais Nam et Gaw, qui précédaient la horde, demeurèrent un instant indécis. Quand ils voulurent imiter le chef, la route était coupée : les Hommes-au-poil-bleu s’étaient éparpillés dans la clairière. Alors, Gaw se jeta dans le sous-bois, tandis que Nam essayait de franchir une zone libre. Il glissait, si léger et si furtif qu’il faillit réussir. Mais, d’un bond, une femelle se dressa devant lui ; il obliqua. Deux mâles accoururent. Comme il les évitait encore, il trébucha. Des bras énormes saisirent Nam. Il se trouva dans les mains du géant.
    Il n’avait pas eu le temps de lever ses armes ; une pression irrésistible paralysait ses épaules, il se sentait aussi faible qu’un saïga sous le poids du tigre. Alors, connaissant la distance qui le séparait de Naoh, il demeura engourdi, les muscles immobiles, les prunelles violettes : sa jeunesse défaillait devant la

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