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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
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et paisibles de l’histoire ; appliquée aux périodes où la vie des peuples se complique et se trouble, où dans le même temps s’élèvent divers pouvoirs qui bataillent entre eux, elle offre l’inconvénient suivant : c’est qu’un historien légitimiste démontrera que la Convention, le Directoire et Bonaparte sont des usurpateurs, tandis qu’un républicain et un bonapartiste démontreront l’un que la Convention, l’autre que l’Empire furent les pouvoirs véritables, et tout le reste de simples violations du pouvoir. Il est évident qu’avec de pareilles contradictions, les explications fournies par ces historiens ne peuvent convenir qu’à des enfants en bas âge.
    Cependant une autre espèce d’historiens qui reconnaît la fausseté de cette façon de voir prétend que le pouvoir repose sur la remise conditionnelle aux dirigeants de la somme des volontés des masses ; ainsi un personnage historique n’a de pouvoir que tant qu’il remplit le programme que la volonté des masses lui a prescrit tacitement. Mais ces historiens ne disent pas en quoi consiste ce programme, ou, s’ils le disent, c’est pour se contredire perpétuellement les uns les autres. Ce programme pour chaque historien correspond à son point de vue sur le but du mouvement d’un peuple, sous les espèces de la grandeur, de la richesse, de la liberté, de la culture des citoyens de la France ou d’un autre État. Mais sans parler davantage des contradictions des historiens sur la nature de ce programme et en admettant même qu’il en existe un qui leur soit commun à tous, il n’en reste pas moins que les faits historiques contredisent presque toujours cette théorie. Si les conditions en vertu desquelles le pouvoir est remis consistent dans la richesse, la liberté, l’évolution du peuple, pourquoi les Louis XIV et les Ivan IV ont-ils eu un règne tranquille, et pourquoi les Louis XVI et les Charles I er ont-ils été décapités ? Les historiens répondent à cette question que les actes de Louis XIV ayant été contraires au programme se sont répercutés sur Louis XVI. Mais pourquoi pas sur Louis XIV et Louis XV eux-mêmes, et pourquoi devaient-ils justement se répercuter sur Louis XVI ? Enfin quel est le délai d’une semblable répercussion ? Il n’y a pas et il ne peut y avoir de réponse à ces questions. De même, dans cette théorie, on explique mal pour quelle raison la somme des volontés demeure pendant quelques siècles entre les mains des dirigeants et de leurs successeurs, alors qu’ensuite, tout d’un coup, en cinquante ans, elle se reporte sur la Convention, le Directoire, Napoléon, Alexandre, Louis XVIII, de nouveau Napoléon, Charles X, Louis-Philippe, la République de 1848, Napoléon III. Pour expliquer ces rapides transferts d’autorité au milieu de complications internationales, de conquêtes, d’alliances, les mêmes historiens doivent reconnaître malgré eux qu’une partie de ces événements ne sont pas dus au transfert régulier de la volonté des masses, mais au hasard qui dépend tantôt de la fourberie, tantôt des fautes, ou de la perfidie, ou de la faiblesse d’un diplomate, d’un monarque, ou d’un chef de parti. Ainsi la plupart des événements historiques, guerres civiles, révolutions, conquêtes, ne sont-ils déjà plus aux yeux de ces historiens les produits d’un transfert de volontés libres, mais bien le produit de la volonté faussement dirigée d’un ou de plusieurs individus, c’est-à-dire, encore une fois, de violations de pouvoir. Et par suite, les événements historiques sont présentés par les historiens de cette espèce comme des dérogations à la théorie.
    Ces historiens sont semblables à un botaniste qui, après avoir remarqué que quelques plantes germent en deux cotylédons, prétendrait que tout ce qui pousse ne pousse que par dichotomie ; et que le palmier, le champignon, le chêne même, une fois arrivés à leur pleine croissance, ne présentant plus leurs deux cotylédons initiaux, sont des exceptions à la règle.
    Les historiens de la troisième catégorie prétendent que la volonté des masses se reporte conditionnellement sur un personnage historique, mais que les conditions nous sont inconnues. Ils disent que les personnages historiques n’ont de pouvoir qu’autant qu’ils accomplissent la volonté que les masses ont reportée sur eux.
    En ce cas-là, si la force qui meut un peuple réside, non dans le personnage

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