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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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m’habituer à sa
compagnie. Nous travaillions parfois côte à côte dans la petite pièce, je
broyais de la céruse tandis que lui lavait du lapis ou faisait brûler de l’ocre
dans le feu. Il me parlait peu. C’était un homme silencieux. Je ne parlais pas
non plus. Tout était paisible, la lumière entrait à flots par la fenêtre.
Lorsque nous avions terminé, nous nous rincions mutuellement les mains avec un
pichet d’eau et les frottions jusqu’à ce qu’elles soient propres.
    Il faisait très froid au grenier,
malgré le petit poêle dont il se servait pour chauffer l’huile de lin et brûler
les couleurs. Je n’osais pas l’allumer sans qu’il me le demande, redoutant
d’avoir à expliquer à Catharina et Maria Thins pourquoi la tourbe et le bois
disparaissaient aussi vite.
    Le froid ne me dérangeait guère
quand il était là. Lorsqu’il se tenait près de moi, je pouvais sentir la
chaleur de son corps.
    Un de ces après-midi où j’avais
prétendu avoir mal au ventre, je rinçais un peu de massicot que je venais de
broyer quand j’entendis la voix de Maria Thins au-dessous, dans l’atelier. Il
travaillait au tableau. On entendait, par moments, la fille du boulanger
soupirer tandis qu’elle posait.
    « As-tu froid, ma
fille ? demanda Maria Thins.
    — Un peu, répondit-elle
faiblement.
    — Pourquoi n’a-t-elle pas
de chaufferette ? »
    La voix de mon maître était si
basse que je n’en tendis pas la réponse.
    « Cela ne se verra pas sur
le tableau, pas si on la met près de ses pieds. Nous ne voulons pas qu’elle
retombe malade, voyons ! »
    Sa réponse m’échappa à nouveau.
    « Griet peut aller lui en
chercher une, suggéra Maria Thins. Elle devrait être au grenier, je monte le
lui demander. »
    Pour une vieille femme, elle
était plus leste que je ne l’aurais cru. Je voulus redescendre, mais le temps que
je pose le pied sur le barreau en haut de l’échelle, elle en était déjà à la
moitié. Je rentrai dans le grenier. Cette fois, je ne pouvais lui échapper et
je n’avais pas le temps de cacher quoi que ce soit.
    En entrant dans la pièce, Maria
Thins repéra aussitôt les coquilles alignées sur la table, le pichet d’eau, mon
tablier moucheté de jaune de massicot.
    « C’est donc ça, ce que tu
fabriques là-haut, ma fille ? J’avais bien flairé ! »
    Je baissai les yeux, ne sachant
que répondre.
    « Mal au ventre, mal aux
yeux. Nous ne sommes pas tous nés de la dernière pluie, tu sais. »
    Demandez-lui, avais-je envie de
lui dire. Après tout, c’est mon maître. C’est lui qui a arrangé cela.
    Elle ne l’appela pas. Et il
n’apparut pas au bas de l’échelle pour expliquer.
    Un long silence s’ensuivit.
Maria Thins reprit : « Depuis combien de temps l’aides-tu, ma
fille ?
    — Quelques semaines,
Madame.
    — J’ai remarqué qu’il
peignait plus vite ces derniers temps. »
    Je levai la tête. On voyait sur
son visage qu’elle calculait.
    « Aide-le à peindre plus
vite, ma fille, dit-elle tout bas. Et tu garderas ta place ici. Et surtout pas
un mot à ma fille ni à Tanneke !
    — Oui, Madame. »
    Elle se mit à rire.
« J’aurais dû y penser, finaude que tu es. Tu m’as presque bernée, moi
aussi. File donc chercher une chaufferette pour cette pauvre fille. »
     
    *
     
    J’aimais bien dormir au
grenier. Il n’y avait pas de Crucifixion au pied de mon lit pour me perturber.
En fait, il n’y avait pas un seul tableau, juste la bonne odeur d’huile de lin
et le musc des pigments des couleurs minérales. J’aimais ma vue de la
Nouvelle-Eglise et j’appréciais le calme. Personne ne montait au grenier, sauf
lui. Les filles ne venaient pas m’y trouver, ni secrètement fouiller dans mes
affaires, comme cela leur arrivait quand je dormais dans la cave. Je m’y
sentais seule, au-dessus de la maison bruyante, capable de la voir avec certain
recul.
    Un peu comme lui.
    Ce que j’appréciais par-dessus
tout, c’était de passer davantage de temps à l’atelier. Il m’arrivait de
m’envelopper dans une couverture et d’y descendre tard le soir quand la maison
dormait. Je regardais à la chandelle le tableau auquel il travaillait, ou
j’entrouvrais un volet afin de le contempler au clair de lune. Parfois, je
m’asseyais dans l’obscurité sur l’une des chaises aux têtes de lion, le coude
sur le tapis de table bleu et rouge. Je m’imaginais vêtue du mantelet jaune et
noir, parée des perles, assise à la

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