La jeune fille à la perle
qui tripotaient sa pipe. Elle alluma
celle-ci, tira dessus un moment, puis elle se mit à rire. « Jamais eu
autant de problèmes avec une domestique ! Dieu nous bénisse ! »
Le dimanche suivant, j’emportai
le peigne chez ma mère. Je ne lui racontai pas ce qui s’était passé, me
contentant de lui dire que c’était une parure trop délicate pour une servante.
*
Je constatai certains
changements après cet incident. L’attitude de Catharina à mon égard fut ma plus
grande surprise. Je m’attendais à ce qu’elle se montre encore plus dure, à ce
qu’elle exige davantage de travail de ma part, à ce qu’elle me réprimande à la
moindre occasion, à ce qu’elle me mette aussi mal à l’aise que possible. Au
lieu de cela, elle semblait avoir peur de moi. Elle retira la clef de l’atelier
du précieux trousseau qui pendait sur sa hanche, la rendit à Maria Thins et
jamais plus elle n’ouvrit ni ne ferma la porte. Elle laissa son coffret à
bijoux dans l’atelier, envoyant sa mère chercher ce dont elle avait besoin.
Elle m’évitait dans la mesure du possible et, dès que je m’en fus rendu compte,
je pris soin de l’éviter moi aussi.
Jamais elle ne mentionnait mon
travail de l’après-midi dans l’atelier. Maria Thins devait lui avoir mis dans
la tête que mon aide permettrait à son mari de peindre davantage et de nourrir
et l’enfant qu’elle portait et ceux qu’elle avait déjà. Ayant pris à coeur les
remarques de ce dernier concernant l’éducation des enfants, qui étaient, après
tout, sa principale responsabilité, elle passait davantage de temps avec eux
qu’auparavant. Encouragée par Maria Thins, elle entreprit même d’apprendre à
lire et à écrire à Maertge et à Lisbeth.
Maria Thins était un être plus
subtil, mais son attitude envers moi changea à son tour. Elle se mit à me
traiter avec plus de respect. J’étais encore de toute évidence une domestique,
mais elle ne me renvoyait pas aussi vite, ne feignait pas de ne pas me voir,
comme c’était parfois le cas avec Tanneke. Elle ne serait pas allée jusqu’à me
demander mon avis, mais elle m’aidait à me sentir moins exclue de la maisonnée.
Je fus également étonnée de
voir Tanneke se radoucir à mon égard. Je finissais par croire qu’elle se
complaisait à être en colère et à nourrir des rancunes contre moi, peut-être
cela avait-il fini par l’épuiser… Peut-être aussi se disait-elle que mieux
valait ne pas être contre moi maintenant qu’il avait pris ouvertement parti
pour moi. Peut-être se disaient-ils tous cela. Quelle que fût la raison, elle
cessa de me donner un surcroît de besogne en renversant ceci ou cela, elle
cessa aussi de maugréer contre moi et de me décocher de féroces regards de
côté. Elle ne me donna pas son amitié, mais il devint plus aisé de travailler
avec elle.
C’était cruel, sans doute, mais
j’avais l’impression d’avoir remporté une victoire sur elle. Elle était plus
âgée et elle était dans la maison depuis beaucoup plus longtemps que moi, mais
le fait qu’il me montrât certaine préférence comptait nettement plus que sa
fidélité et son expérience. Elle aurait pu être très affectée par cette
humiliation, mais elle prit mieux la défaite que je ne l’aurais pensé. Tanneke
était au fond d’elle-même un être simple qui n’avait aucune envie de se
compliquer la vie. La meilleure solution pour elle était donc de m’accepter.
Même si sa mère s’occupait
davantage d’elle, Cornelia ne changea pas. Elle était la préférée de Catharina,
sans doute parce que son caractère était le plus proche du sien, aussi Catharina
ne s’attardait-elle guère à la dompter. Il lui arrivait de me regarder de ses
yeux noisette, la tête inclinée, de sorte que ses boucles rousses s’agitaient
autour de son visage. Me souvenant de ce que m’avait décrit Maertge, je pensai
à cet air méprisant qu’avait affecté Cornelia tandis qu’on la fessait. Et je me
dis à nouveau, comme le premier jour : elle me donnera du fil à retordre.
Je veillais discrètement à
éviter autant Cornelia que j’évitais sa mère, ne souhaitant pas l’encourager.
Je cachai le carreau de faïence brisé, mon beau col en dentelle, ouvrage de ma
mère, et mon plus joli mouchoir brodé afin qu’elle ne s’en serve pas contre
moi.
Il ne me traita pas
différemment après l’incident du peigne. Quand je le remerciai d’avoir parlé en
ma faveur, il
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