La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
la revoir jamais ! Ah ! si c’eut été hier au soir, j’aurais couru me mesurer avec la meilleure lame de tous ces hommes d’armes, aussi gaîment que je dansai jamais autour d’un mai : Mais aujourd’hui, lorsque pour la première fois c’est comme si elle m’avait dit : – Henry Smith, je t’aime, – ah ! mon père Gloyer, c’est bien pénible ! Après tout, c’est ma faute ! c’est uniquement ma faute ! J’aurais dû lui prêter l’abri de mon toit, lorsqu’il m’en suppliait dans l’excès de sa frayeur ; ou si j’étais sorti avec lui je l’aurais sauvé ou j’aurais partagé son sort. Mais je me moquai de lui, je l’accablai de reproches et de malédictions : cependant les saints savent que je ne les proférai que par humeur et dans un mouvement d’impatience. Je le mis à ma porte, lui qui était sans défense, l’envoyant au-devant de la mort qui m’était peut-être destinée. Il faut que je le venge, ou je suis déshonoré pour toujours. Voyez, mon père ; on a dit que j’étais aussi dur que le fer que je travaille ; le fer verse-t-il jamais des larmes comme celles-ci ? Honte à moi qui les répands !
– Il n’y a point de honte, mon cher fils ; tu es aussi bon que, tu es brave, et je t’ai toujours connu tel. Il est possible qu’on ne découvre personne sur qui puissent planer les soupçons ; et dans ce cas le combat ne saurait avoir lieu. Il est bien dur de souhaiter que le sang innocent ne soit pas vengé. Mais si l’auteur de ce lâche assassinat reste caché pour le moment, tu seras affranchi de l’obligation d’en tirer cette vengeance dont le ciel, n’en doute pas, se chargera lorsqu’il en sera temps.
En parlant ainsi, ils arrivèrent à l’endroit de High-Street ou était située la maison du conseil. Lorsqu’ils approchèrent de la porte, en se frayant un passage à travers la foule qui remplissait encore la rue, ils trouvèrent les avenues gardées par une troupe choisie de bourgeois armés, et par environ cinquante lames appartenant au chevalier de Kinfauns, qui, avec ses alliés les Grays, les Blairs, les Moncrieffs et autres, avait amené à Perth un corps considérable de cavalerie, dont ce détachement faisait partie. Dès que Glover et Smith se présentèrent, ils furent introduits dans la salle où les magistrats étaient assemblés.
CHAPITRE XX.
La salle de conseil de Perth présentait un singulier spectacle. Dans un sombre appartement, mal éclairé par deux fenêtres de formes différentes et de grandeur inégale, étaient assemblés autour d’une grande table de chêne un groupe d’hommes, dont ceux qui occupaient les siéges les plus élevés étaient des marchands membres de corporations ou de confréries, habillés convenablement suivant leur état, mais portant presque tous comme le régent York {76} ,
Signs of war around their aged necks.
– des signes de guerre autour de leurs cous vieillis, – c’est-à-dire des hausses-cols et des baudriers qui soutenaient leurs armes. Les places inférieures étaient remplies par des ouvriers et des artisans, syndics ou diacres, comme on les appelait, de leurs corps respectifs, portant leurs vêtemens ordinaires qu’ils avaient seulement arrangés avec un peu plus de soin que de coutume. Ils avaient aussi des armures de différens genres : les uns avaient la jaquette (ou pourpoint) couverte de petites plaques de fer en losanges qui, attachées par le haut, pendaient l’une sur l’autre, et qui, cédant à tous les mouvemens du corps, formaient une excellente cuirasse ; d’autres avaient des justaucorps de buffle qui, comme nous l’avons déjà dit, pouvaient résister au tranchant d’une épée ou même à la pointe d’une lance, à moins qu’elle ne fût poussée avec une force extraordinaire. Au bas bout de la table, entourée comme elle l’était de cette assemblée bizarre, se trouvait assis sir Louis Lundin, personnage qui n’était nullement belliqueux, mais prêtre et curé de Saint-Jean portant le costume ecclésiastique, et qui avait devant lui une plume et de l’encre. Il était greffier du bourg, et comme tous les prêtres d’alors qui d’après cette circonstance étaient appelés les chevaliers du pape, il recevait le titre honorable de Dominus, dont on faisait par contraction Dom ou Dan, ou qu’on traduisait par SIR, titre de distinction accordé à la chevalerie séculière.
Sur un siége élevé au haut bout de la table du conseil était
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