La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
qui éprouva une vive contrariété en apprenant cette nouvelle catastrophe, et qui dit à sir Patrice de venir le lendemain matin après la messe avec les parties intéressées le trouver dans son conseil où leur donnerait réponse. En attendant, un poursuivant du roi fut envoyé au logement du connétable pour demander la liste des gens de sir John Ramorny, et pour lui enjoindre à lui et à toute, sa suite sous des peines sévères, de rester dans Perth jusqu’à ce que le roi leur eût fait connaître sa volonté.
CHAPITRE XXI.
« Au nom du ciel, faites préparer la lice et tout ce qu’il faut ; et qu’ils vident leur querelle. – Dieu défende la bonne cause ! »
SHAKESPEARE. Henri IV, partie II.
Dans la même chambre de conseil du palais des dominicains, le roi Robert était assis avec son frère Albany, dont l’austérité affectée et l’artificieuse dissimulation exerçaient une si puissante influence sur le faible monarque. Il était naturel en effet qu’un prince qui voyait rarement les choses sous leurs couleurs réelles, les envisageât d’après le jour sous lequel elles lui étaient présentées par un homme hardi et astucieux revêtu des droits que donne une si proche parenté.
Toujours tremblant pour son malheureux fils qui était égaré par de perfides conseils, le roi s’efforçait alors de faire partager à Albany son opinion que Rothsay n’était pour rien dans la mort du bonnetier, événement dont sir Patrice Charteris avait laissé le procès-verbal entre les mains de Sa Majesté pour qu’elle pût l’examiner.
– C’est une malheureuse affaire, mon frère Robin, dit-il, très malheureuse en vérité ; et elle ne tend à rien moins qu’à mettre le trouble et le désordre ici entre le peuple et la noblesse, comme cela est advenu dans tant de provinces éloignées. Je ne vois dans tout ceci qu’un sujet de consolation, et c’est que sir John Ramorny ayant été renvoyé de la maison du duc de Rothsay, on ne pourra point dire que lui ou ceux de ses gens qui ont commis ce meurtre (s’il est vrai qu’il ait été commis par eux) y aient été excités ou autorisés par mon pauvre Robin. Assurément, mon frère, nous pouvons attester l’un et l’autre avec quelle facilité il consentit sur ma demande à renvoyer Ramorny de son service, à cause de cette échauffourée de Curfew-Street.
– Je m’en souviens en effet, dit Albany, et j’espère vivement que les liaisons qui existaient entre le prince et Ramorny n’ont pas été renouées depuis qu’il a paru accéder aux désirs de Votre Grâce.
– A paru accéder ? – Liaisons renouées ? dit le roi ; que voulez-vous faire entendre par ces expressions, mon frère ? Certes, lorsque Robin me promit que si cette malheureuse affaire de Curfew-Street était étouffée il se séparerait de Ramorny, puisqu’on croyait que ses conseils pourraient l’entraîner dans de pareilles folies, et qu’il consentirait à ce qu’il fût envoyé en exil ou qu’il subit telle autre punition qu’il nous plairait de lui infliger ; certes vous ne sauriez douter que ses protestations ne fussent sincères, et qu’il ne voulût garder sa parole. Ne vous souvenez-vous pas que lorsque vous conseillâtes, au lieu de bannir Ramorny, de lever une forte amende sur ses domaines du comté de Fife, le prince lui-même parut dire que l’exil vaudrait mieux pour Ramorny ainsi que pour lui-même ?
– Je m’en souviens parfaitement, mon auguste frère ; non certes je n’aurais pu croire que Ramorny eût tant d’influence sur l’esprit du prince, après avoir contribué à le mettre dans une situation critique ; lorsque mon noble neveu lui-même fit cet aveu dont Votre Majesté vient de parler, en disant que si Ramorny était toléré à la cour il pourrait bien encore diriger sa conduite. Je regrettai alors d’avoir conseillé de commuer le bannissement en une amende. Mais ce temps est passé, et maintenant il est arrivé une catastrophe qui met en péril Votre Majesté, son auguste héritier et tout le royaume.
– Que voulez-vous dire, Robin ? s’écria le faible monarque. – Par la tombe de mon père, par l’âme de Bruce, notre immortel aïeul, je vous conjure, mon très cher frère, de prendre pitié de moi ! Dites-moi quels malheurs menacent mon fils ou mon royaume.
Les traits du roi tremblant d’inquiétude, et ses yeux remplis de larmes, étaient fixés sur son frère, qui parut réfléchir
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