La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
encore l’approche de l’aurore, quoique peu éloignée, et que l’impatience de Henry accusait d’être plus paresseuse que de coutume à occuper son poste avancé. Il marchait à pas lents le long des murs de la chapelle de Sainte-Anne, n’oubliant pas de faire un signe de croix et de dire un Ave en passant sur ce terrain consacré, quand une voix qui semblait partir de derrière un des arcs-boutans de la chapelle s’écria : – Il ne fait que ramper, celui qui devrait courir.
– Qui parle ? s’écria Smith en regardant autour de lui, un peu surpris qu’on lui adressât la parole si inopinément, et avec un ton et des expressions si singulières.
– N’importe qui parle, répondit la même voix, dépêche-toi, ou tu arriveras trop tard. Ne me réponds point ; pars.
– Saint ou pécheur, ange ou diable, dit Henry en faisant le signe de la croix, votre avis me touche de trop près pour que je le néglige. Que saint Valentin me donne des jambes !
À ces mots, quittant sa marche lente pour prendre un pas que peu de gens auraient pu suivre, il fut en un instant dans Curfew-Street. Il n’avait pas fait trois pas du côté de la maison de Simon Glover qui était vers le milieu de cette rue étroite, que deux hommes placés le long du mur de chaque côté avancèrent vers lui comme par un mouvement concerté, pour l’empêcher de passer. L’obscurité lui permit seulement de distinguer qu’ils portaient le plaid des montagnards.
– Dégagez le chemin, brigands ! s’écria l’armurier d’une voix forte et ferme, digne de l’ampleur de sa poitrine.
Ils ne répondirent pas, du moins de manière à se faire entendre ; mais Henry put voir qu’ils tiraient leurs épées dans le dessein d’employer la force pour l’empêcher de passer. Se livrant à des conjectures alarmantes, quoique sans savoir ce qu’il devait craindre, Smith résolut de s’ouvrir un passage à tous risques, et d’aller défendre sa maîtresse, ou du moins mourir à ses pieds. Il jeta son manteau sur son bras pour s’en faire une espèce de bouclier, et s’avança avec autant de hardiesse que de promptitude vers ces deux hommes. Celui dont il était le plus proche lui porta un coup d’épée qu’il reçut dans son manteau ; Henry lui ripostant par un coup de poing sur la figure du bras gauche et un croc-en-jambe du pied droit, le fit tomber rudement sur la chaussée, tandis que presque au même instant, d’un revers de son couteau de chasse il renversa celui qui était à sa droite, à côté de son compagnon.
Plus alarmé que jamais, et il avait quelque raison de l’être en trouvant la rue gardée par des étrangers qui commettaient de tels actes de violence, Henry courut rapidement en avant. Il entendit parler à voix basse sous une croisée de la maison du gantier, précisément sous celle où il avait espéré voir Catherine, et acquérir le droit de devenir son Valentin. Il se tint de l’autre côté de la rue pour tâcher de reconnaître le nombre et les projets de ceux qui s’y trouvaient. Mais un de ceux qui étaient sous la fenêtre l’ayant vu ou entendu traverser la rue, et le prenant sans doute pour une des deux sentinelles, il lui dit à demi-voix : – Quel est donc ce bruit, Kenneth ? Pourquoi n’avez-vous pas donné le signal ?
– Scélérat ! s’écria Smith, vous êtes découvert, et vous allez périr !
Tout en parlant ainsi, il lui porta un coup de couteau de chasse qui aurait vérifié sa prédiction, si l’étranger, levant le bras, n’y eût reçu le coup qui était destiné à sa tête. La blessure dut être sérieuse, car il chancela, et tomba en poussant un profond gémissement. Sans penser davantage à lui, Smith courut à la hâte vers un groupe d’hommes qui semblaient occupés à placer une échelle contre la croisée. Henry ne songea plus alors à en compter le nombre ni à s’assurer de leurs desseins. Poussant le cri d’alarme d’usage, pour rassembler les bourgeois qui ne manquaient jamais d’accourir dès qu’ils l’entendaient, il se jeta sur ces rôdeurs nocturnes, dont l’un montait déjà sur l’échelle. Il la saisit par les échelons d’en-bas, la renversa, et plaçant le pied sur le corps de l’homme qui venait de tomber, il l’empêcha de se relever. Les autres l’attaquèrent vivement pour délivrer leur compagnon. Mais la cotte de mailles de Smith lui fut d’une grande utilité ; et il leur rendit leurs coups avec usure, en
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