La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
presque au même instant, ils auraient enfoncé la porte de la maison de Simon Glover, lui auraient coupé la gorge et auraient emmené sa fille dans les montagnes. C’est une voie de fait qu’on ne peut souffrir, voisin Crookshank, qu’on ne peut supporter, voisin Glass, qu’on ne peut endurer, voisins Balneaves, Rolloek et Chrysteson. Il est fort heureux que moi et cet autre vigoureux gaillard nous soyons arrivés à temps. N’est-il pas vrai, mon digne voisin, bailli Craigdallie ?
Ces discours étaient soufflés d’oreille en oreille par l’affairé bonnetier. Le bailli Craigdallie, le même dignitaire qui avait été d’avis d’ajourner à ce moment et à ce lieu la délibération sur les événemens de la nuit, était un homme grand, gros et de bonne mine, qui se débarrassa de la main du diacre accrochée au collet de son habit à peu près d’aussi bonne grâce qu’un vigoureux cheval secoue le taon importun qui l’a assailli pendant dix minutes. – Silence, braves citoyens ! s’écria-t-il ; voici Simon Glover, de la bouche duquel il n’est jamais sorti que des paroles de vérité. Nous apprendrons de lui quel est l’outrage dont il a à se plaindre.
Simon, interpellé ainsi, s’expliqua avec un embarras manifeste qu’il attribua à la répugnance qu’il avait à ce que la ville se fit une querelle sérieuse avec qui que ce fût à cause de lui. – Après tout, dit-il, ce n’était qu’une fredaine, une plaisanterie de quelques jeunes courtisans, et le pire qu’il en résulterait, c’était qu’il ferait mettre de bonnes barres de fer à la croisée de la chambre de sa fille, pour prévenir la répétition d’une pareille frasque.
– Mais si ce n’était qu’une fredaine et une plaisanterie, dit le bailli Craigdallie, notre concitoyen Henry l’armurier a eu grand tort de couper si légèrement la main d’un homme comme il faut, et la ville pourrait être condamnée à une amende considérable, à moins que nous ne nous assurions de la personne de celui qui a commis cette mutilation.
– À Notre-Dame ne plaise ! s’écria le gantier. Si vous saviez ce que je sais, vous craindriez autant de toucher à cette affaire que de porter la main sur un fer rouge. Mais puisque vous voulez vous mettre les doigts dans le feu, il faut vous dire la vérité. Ainsi, quoi qu’il puisse en arriver, je vous dirai que l’affaire aurait pu finir très mal pour moi et les miens, si Henry Gow, armurier, que vous connaissez tous, n’était arrivé fort à propos à mon secours.
– Ainsi que moi, dit Olivier Proudfute, quoique je ne prétend pas être tout-à-fait aussi habile dans le maniement du sabre que notre voisin Henry Gow. Vous m’avez vu au commencement du tumulte, voisin Glover.
– Je vous ai vu quand il était terminé, voisin, répondit le gantier d’un ton sec.
– C’est vrai, c’est vrai, reprit Proudfute ; j’avais oublié que vous étiez dans votre maison pendant que les coups se donnaient, et que vous ne pouviez voir qui les distribuait.
– Silence ! voisin Proudfute, silence ! s’écria Craigdallie évidemment ennuyé des croassemens peu harmonieux du digne diacre. Il y a ici quelque chose de mystérieux, ajouta-t-il, mais je crois deviner le secret. Notre ami Simon est, comme vous le savez tous, un homme paisible qui souffrira plutôt une injustice que de mettre en danger un ami ou un voisin pour en obtenir réparation. Mais toi, Henry Gow, toi qu’on trouve toujours quand la ville a besoin d’un défenseur, dis-nous tout ce que tu sais de cette affaire.
L’armurier conta l’histoire telle que nous l’avons déjà rapportée ; et l’affairé fabricant de bonnets s’écria encore : – Et tu m’as vu dans la mêlée, honnête Smith, n’est-il pas vrai ?
– Non, sur ma foi, voisin, répondit Henry ; mais vous êtes petit, comme vous le savez, et il peut se faire que je ne vous aie pas aperçu.
Cette réponse fit rire aux dépens d’Olivier, qui rit lui-même comme les autres, mais en ajoutant : – Il n’en est pas moins vrai que je suis arrivé un des premiers au secours du voisin Glover.
– Et où étiez-vous donc, voisin ? demanda Smith, car de bonne foi, je ne vous ai pas vu ; et j’aurais donné la valeur de la meilleure armure qui soit jamais sortie de mes mains, pour avoir à mon côté un gaillard ferme et vigoureux comme vous.
– Je n’étais pourtant pas bien loin de toi, brave Smith, et tandis que tu
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