La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
vous, elle ne l’approuvera pas plus que moi. – Mais qu’est-ce que cela signifie ? êtes-vous devenu fou ? allez-vous sortir sans votre bouclier quand toute la ville est dans le tumulte ?
– Vous avez raison, dame, répondit l’armurier ; et passant son bouclier par-dessus ses larges épaules, il sortit sans écouter de nouvelles questions.
CHAPITRE XIII.
Il faut que nous laissions maintenant les personnages secondaires de notre drame historique pour nous occuper des incidens qui eurent lieu parmi ceux d’un rang plus élevé et d’une plus grande importance.
Nous passons de la simple maison d’un armurier à la salle du conseil d’un monarque, et nous reprenons notre histoire au moment où le tumulte étant apaisé, les chefs hautains reçurent l’ordre de paraître en la présence du roi. Ils entrèrent mécontens les uns des autres et se mesurant d’un air sombre ; chacun d’eux, exclusivement occupé des injures qu’il croyait avoir reçues, était également peu disposé à écouter la raison. Albany seul, calme et plus dissimulé, semblait préparé à se servir du mécontentement de tous, à profiter des incidens qui pourraient en résulter et à en tirer avantage pour ses vues secrètes et ses désirs particuliers.
L’irrésolution du roi qui allait jusqu’à la timidité ne l’empêcha pas cependant de prendre le maintien digne et noble qui convenait à son rang. C’était seulement lorsqu’il était poussé à bout comme dans la scène précédente qu’il perdait son apparente tranquillité. En général il était souvent obligé de renoncer à ses desseins, mais il perdait rarement sa dignité naturelle. Il reçut Albany, Douglas, March et le prieur (membres mal assortis d’un conseil désuni) avec un mélange de politesse et de grandeur qui rappela à chaque seigneur orgueilleux qu’il était en présence de son souverain, et leur imposa à tous une réserve respectueuse.
Après avoir reçu leur salut, le roi les pria de s’asseoir ; ils obéissaient à ses ordres lorsque Rothsay entra. Il s’avança gracieusement près de son père, et s’agenouillant devant lui il lui demanda sa bénédiction. Robert, dont les regards déguisaient mal sa tendresse et son chagrin, essaya de prendre un ton de reproche tandis qu’il posait la main sur la tête de son fils et disait avec un soupir : – Que Dieu te bénisse, enfant léger, et qu’il te rende un homme dans l’avenir. – Amen, mon père, répondit Rothsay avec une expression de sensibilité qu’il montrait quelquefois dans ses bons momens ; alors il baisa la main royale avec le respect d’un fils et d’un sujet. Au lieu de prendre place à la table du conseil, il resta appuyé sur le siége du roi, et dans une position à pouvoir lorsqu’il le désirerait parler à l’oreille de son père.
Le roi fit signe au prieur de Saint-Dominique de prendre place au bureau, sur lequel il y avait différens écrits que parmi tous les personnages présens, Albany excepté, l’homme d’église était seul capable de lire. Le roi alors annonça le motif de leur assemblée en disant avec une grande dignité :
– Les affaires que nous désirons traiter, milords, ont rapport à ces malheureuses révoltes des hautes-terres dont nous avons eu connaissance par nos derniers messagers, et qui sont sur le point d’occasionner la ruine et la destruction du pays, même à peu de milles de notre royal séjour. Mais quelque près de nous que soit cette révolte, grâce à notre malheureuse destinée, des hommes coupables en ont élevé une plus rapprochée encore, en jetant les torches de la discorde entre les citoyens de Perth et les gens de la suite de Vos Seigneuries, avec d’autres chevaliers et nobles. Je m’adresserai d’abord à vous, milords, pour apprendre pourquoi notre cour est troublée par ces querelles inconvenantes, et pour vous demander ensuite par quels moyens elles peuvent être réprimées ? – Mon frère Albany, faites-nous connaître le premier vos sentimens à cet égard.
– Sire et royal frère, répondit le duc, étant près de votre personne lorsque la querelle commença, je n’en connais point l’origine.
– Pour moi, dit le jeune prince, je n’ai entendu d’autre cri de guerre que la ballade d’un ménestrel, et je n’ai point vu voler de balles plus dangereuses que des noisettes.
– Pour moi, dit le comte de March, j’ai aperçu les braves citoyens de Perth donnant la chasse à
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