La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
trop comment cela se fait, on nous parle de leurs miracles lorsque nous venons les invoquer, de leur vengeance si nous violons le territoire de l’Église, tout cela pour nous exciter à des largesses ; et cependant s’il arrive une bande d’une vingtaine de montagnards, les cloches, les livres, les cierges ne sont d’aucun usage, et le baron cuirassé est contraint de maintenir l’Église en possession des terres qu’il lui a données, tout comme s’il en recueillait encore les fruits.
– Fils Robert, dit le roi, vous donnez trop de licence à votre langue.
– Je me tais, répondit le prince ; je n’avais pas le dessein de troubler Votre Altesse ni d’offenser le père prieur, qui avec tant de miracles à son service n’oserait tenir tête à une poignée de montagnards.
– Nous savons, dit le prieur avec une indignation contenue, de quelle source proviennent ces odieuses doctrines qui nous font horreur dans la bouche de Votre Altesse. Quand les princes conversent avec les hérétiques, leur esprit et leurs manières se corrompent également ; alors ils se montrent dans les rues en compagnie avec des masques et des femmes de mauvaise vie, et dans le conseil comme les dépréciateurs de l’Église et des saintes croyances.
– Paix ! bon père, dit le roi ; Rothsay s’amendera pour avoir parlé légèrement. Hélas ! laissez-nous tenir conseil d’une manière amicale, plutôt que de ressembler à une bande mutinée de marins dans un vaisseau qui fait naufrage, où chacun est plus occupé à quereller son camarade qu’à joindre ses efforts à ceux du capitaine pour la sûreté du bâtiment. – Milord Douglas, votre maison s’est toujours bien montrée quand la couronne d’Écosse exigeait ou de sages avis ou de prompts secours ; j’espère que vous nous aiderez dans cette détresse.
– Je m’étonne, je l’avoue, de ce que cette détresse existe, répondit l’orgueilleux Douglas. Quand je fus institué lieutenant du royaume, quelques-uns de ces vils clans descendirent des monts Grampians. Je ne fatiguai point le conseil de cette affaire, mais j’ordonnai au shériff lord Ruthyen de monter à cheval avec toutes les forces du carse {59} , les Hays, les Lindsays, les Ogilvies, et d’autres gentilshommes. Par sainte Brigite ! quand les cuirasses frisèrent le plaid, les fripons apprirent à quoi les lances étaient bonnes, et si les épées avaient un côté tranchant. Il y resta à peu près trois cents de leurs meilleures têtes, outre celle de leur chef Donald Cormac {60} , dans le marais de Thorn et dans le bois de Rochinroy ; un nombre égal fut pendu à la montée de Houghman {61} , qui a conservé depuis cette journée le nom qu’elle porte aujourd’hui. C’est ainsi que dans mon pays on se conduit avec des drôles ; et si de plus doux moyens peuvent mieux réussir avec ces coquins, qu’on ne blâme point Douglas d’avoir exprimé sa pensée. Vous souriez encore, milord de Rothsay. Puis-je vous demander comment j’ai pu une seconde fois exciter votre gaîté, avant que je réponde à votre première plaisanterie ?
– Ne vous mettez point en colère, bon lord de Douglas, dit le prince, je souriais en pensant combien votre nombreux cortége diminuerait si l’on se conduisait avec tous les drôles comme avec ces pauvres montagnards à la montée de Houghman.
Le roi prit la parole pour prévenir la réponse de Douglas.
– Votre Seigneurie, dit-il, nous conseille avec beaucoup de sagesse de prendre les armes lorsque ces montagnards marcheront contre nos sujets en rase campagne ; mais la difficulté est d’arrêter leurs désordres tandis qu’ils se tiennent cachés dans leurs montagnes. Je n’ai pas besoin de vous dire que le clan de Chattan et le clan de Kay sont de véritables confédérations, composées chacune de différentes tribus qui se sont réunies pour prendre part à la querelle générale. Il n’y a pas long-temps leurs dissensions ont couvert de sang tous les lieux où elles se sont rencontrées, soit en corps, soit individuellement. Le pays entier est ruiné par leurs révoltes continuelles.
– Je ne vois point de mal, répondit Douglas, que les coquins se détruisent entre eux. Le gibier des hautes-terres augmentera en proportion que les hommes diminueront ; nous gagnerons comme chasseurs ce que nous perdrons comme guerriers.
– Dites plutôt que les loups augmenteront et remplaceront les hommes, répondit le roi.
– Je
Weitere Kostenlose Bücher