La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
s’éloigna.
Le roi, comme s’il se trouvait heureux d’être débarrassé de sa présence, se tourna vers Albany et dit : – Maintenant, milord, nous devrions gronder ce jeune drôle de Rothsay. Cependant il nous a si bien servi dans notre conseil, que ce mérite nous rendra un peu plus indulgent pour ses folies.
– Je suis heureux de l’apprendre, dit Albany avec un air de pitié et d’incrédulité, comme s’il ne devinait pas ce service supposé.
– Mon frère, vous comprenez difficilement, répondit le roi, car je ne veux pas penser que vous êtes jaloux. N’avez-vous pas remarqué que c’est Rothsay qui a donné le premier l’idée d’un combat entre les montagnards ? Votre expérience, il est vrai, a revêtu le projet d’une forme plus convenable et il a été généralement approuvé. Encore tout à l’heure nous allions nous séparer, oubliant de délibérer sur une affaire sérieuse, et c’est lui qui nous a fait souvenir de la querelle avec les citoyens de Perth.
– Je ne doute pas, sire, dit le duc d’Albany avec le ton d’approbation qu’il savait devoir plaire au roi, que mon royal neveu ne possède un jour la sagesse de son père.
– Ou bien, répondit le duc de Rothsay, je trouverai peut-être plus aisé d’emprunter d’un autre membre de ma famille cet heureux et commode manteau d’hypocrisie qui couvre tous les vices et grâce auquel peu importe qu’ils existent ou qu’ils n’existent pas.
– Milord prieur, dit le duc s’adressant au dominicain, nous vous demandons de vous retirer pour un moment : le roi et moi nous avons plusieurs choses à dire au prince qui ne peuvent être entendues même de vous.
Le prieur s’inclina et quitta l’appartement.
Lorsque les deux frères et le prince furent seuls, le roi parut chagrin et embarrassé, Albany morne et pensif, tandis que Rothsay lui-même essayait de cacher l’anxiété de son esprit sous son air habituel de légèreté. Il y eut un silence d’une minute, et Albany prit la parole.
– Mon royal frère, dit-il, le prince mon neveu reçoit avec tant de méfiance toutes les représentations qui viennent de ma bouche, que je prie Votre Majesté de prendre la peine de lui dire ce qu’il est nécessaire qu’il sache.
– Ce doit être une communication bien désagréable en vérité, dit le prince, puisque milord d’Albany ne peut en envelopper le sens dans des paroles mielleuses.
– Paix, effronté jeune homme, dit le roi en colère. Vous avez parlé tout à l’heure de la querelle avec les citoyens : qui a été cause de cette querelle, Robert ? quels sont les hommes qui ont brisé les fenêtres d’un habitant paisible notre vassal ? quels sont-ils ceux qui ont troublé la tranquillité de la nuit par la lumière des torches et par le bruit de la débauche, et qui ont exposé nos sujets au danger et à l’effroi ?
– Plutôt à la crainte qu’au danger, j’imagine, répondit le prince. Mais comment puis-je vous apprendre quels sont les hommes qui ont occasionné ce trouble nocturne ?
– Il y avait parmi eux un personnage de ta suite, reprit le roi ; un homme de Bélial, que je condamnerai à une punition sévère.
– Je n’ai point de serviteurs, à ma connaissance, capables d’encourir le déplaisir de Votre Altesse.
– Je veux de la franchise, jeune homme. Où étais-tu la veille de la Saint-Valentin ?
– Il est à supposer que j’étais à servir le bon saint comme un homme religieux doit le faire, répondit le prince négligemment.
– Le prince mon neveu voudra-t-il nous apprendre où était son écuyer la veille de cette bonne fête ? dit le duc d’Albany.
– Parle, Robert, je t’ordonne de parler, dit le roi.
– Ramorny était employé à mon service. Je crois que cette réponse peut satisfaire mon oncle.
– Mais elle ne me satisfait pas, moi, dit le père mécontent. Dieu sait que je n’ai jamais désiré de faire couler le sang, mais j’aurai la tête de ce Ramorny si la loi peut me la donner. Il a été le compagnon et le conseiller de tes vices et de tes folies ; je m’arrangerai de manière à ce qu’il ne le soit plus. Appelle Mac Louis avec un garde.
– Ne condamnez point un homme innocent, dit le prince résolu à tous les sacrifices pour préserver son favori du danger qui le menaçait. Je vous donne ma parole que Ramorny était employé à mon service, et par conséquent ne pouvait être mêlé dans cette querelle.
– Tu
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