La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
présomptueux, enorgueilli sans doute de ce changement subit d’un état de servitude à une puissance qui lui donnait une autorité sans bornes sur des espèces de sauvages.
– Vous ne me craignez pas, belle Catherine ? dit le montagnard en prenant la main de la jeune fille. J’ai ordonné à mes gens de paraître quelques minutes avant moi, afin de voir comment vous supporteriez leur présence ; il me semble que vous les regardez comme si vous étiez destinée à devenir la femme d’un chef de clan.
– Je n’ai aucune raison de craindre les habitans des hautes-terres, répondit Catherine avec fermeté, surtout quand je pense que Conachar est avec eux ; Conachar, qui a bu dans notre coupe et mangé de notre pain ; mon père a souvent trafiqué avec les montagnards, et il n’y eut jamais de querelle entre eux et lui.
– Réellement ? reprit Hector (Car tel est le nom saxon qui équivaut à Eachin). Quoi ! pas même lorsqu’il prit le parti du Gow Chrom, l’armurier bancal {65} , contre Eachin Mac Ian ? – Ne dites rien pour l’excuser, et croyez que, ce sera votre propre faute si jamais je fais encore allusion à cette querelle. – Mais vous aviez quelques ordres à me donner ; parlez, vous serez obéie.
Catherine se hâta de répondre ; car il y avait dans les manières et le langage du jeune chef quelque chose qui lui inspirait le désir de terminer cette entrevue.
– Eachin, dit-elle, puisque Conachar n’est plus votre nom, vous pensez qu’en vous demandant un service je croyais m’adresser à mon égal et non pas à un homme d’un rang supérieur au mien. Vous et moi, nous avons des obligations à ce bon religieux pour les instructions qu’il nous a données. Il court maintenant de grands dangers ; des hommes médians l’accusent de fautes qu’il n’a point commises, il désire rester dans une retraite sûre, jusqu’à ce que l’orage soit passé.
– Ah ! le bon père Clément ! Le digne homme fit beaucoup pour moi, et mon caractère impétueux n’était guère capable de profiter de ses avis. Je voudrais bien voir quelqu’un de la ville persécuter un homme qui aurait touché le manteau de Mac Ian !
– Il serait imprudent de se fier trop à cette parole, répondit Catherine. Je ne doute point de la puissance de votre tribu, mais lorsque Douglas-le-Noir se mêle d’une querelle, il ne recule point devant le plaid d’un montagnard.
L’habitant des hautes-terres cacha son mécontentement sous un sourire forcé.
– Le moineau qui est près de nous, dit-il, semble plus grand que l’aigle qui se tient perché sur le Bengoïle. Vous craignez davantage les Douglas parce qu’ils sont plus près de vous. Mais vous ne savez pas jusqu’où s’étendent nos vallons et nos forêts, au-delà de ces sombres montagnes que vous apercevez dans le lointain. Vous croyez que le monde entier est sur les rives du Tay. Ce bon moine verra des rocs qui pourraient le protéger contre toute une armée de Douglas ; il verra aussi des hommes capables de les faire reculer encore une fois au sud des Grampians. – Mais pourquoi ne serions-nous pas tous réunis ? Je puis envoyer une bande à Perth qui amènera ici votre père en sûreté. Il pourra exercer son commerce au delà du lac Tay. Seulement je ne ferai plus de gants ; je fournirai des peaux à votre père, mais pour ma part je n’en taillerai que lorsqu’elles seront sur le dos des hommes.
– Mon Père viendra un jour vous voir dans votre maison, Conachar : je veux dire Hector. Mais il faut que les temps soient plus tranquilles. Il y a des querelles entre les habitans de la ville et les gens des nobles, et l’on parle aussi de guerre avec les montagnards.
– Oui, de par Notre-Dame, Catherine ! et sans cette guerre, votre visite dans les montagnes serait plus longue, ma jolie maîtresse. Mais les habitans des hautes-terres ne seront pas plus long-temps divisés en deux nations. Ils se battront pour la suprématie ; et celui qui l’emportera traitera avec le roi d’Écosse comme avec un égal et non comme avec son supérieur. Priez que la victoire favorise Mac lan, ma pieuse Catherine, et vous prierez pour quelqu’un qui vous aime tendrement.
– Je prierai pour la bonne cause, répondit Catherine, ou plutôt je prierai pour la paix. – Adieu, bon et excellent père Clément. Croyez que je n’oublierai jamais vos leçons, et souvenez-vous de moi dans vos prières. – Mais comment serez-vous capable de
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