La lance de Saint Georges
ralliés à sa
cause. Il y avait une troupe de chevaliers écossais – des hommes de forte
stature, à l’air farouche, qui nourrissaient une haine inextinguible des
Anglais. Il y avait des mercenaires venus d’Allemagne et d’Italie, et des
chevaliers dont le nom était célèbre dans les tournois de la chrétienté, tueurs
élégants que le jeu de la guerre avait enrichis. Les chevaliers français ne parlaient
pas seulement de défaire Edouard d’Angleterre, mais de porter la guerre sur son
royaume, envisageant des comté en Essex et des duchés dans le Devonshire.
L’évêque de Meaux encouragea son cuisinier à inventer une recette de doigts
d’archer, une daube, peut-être, avec un assaisonnement de thym. Il enfoncerait
ce plat dans la gorge d’Edouard, affirmait-il.
À présent, sir Simon montait un destrier de sept ans, un
beau cheval gris qui avait dû coûter à Harlequin pas loin de cent livres. Il
portait un haubert de mailles fines, un surcot marqué d’une croix blanche et à
son côté une épée de Poitiers. L’animal avait une protection de chanfrein en
cuir bouilli et une housse noire. Henry Colley était presque aussi bien équipé,
mais au lieu d’une épée il portait une masse de quatre pieds munie d’une boule
de métal garnie de pointes.
— Ils sont bien sérieux, se plaignit-il auprès de sir
Simon, on dirait des moines.
— Ils savent se battre, répondit sir Simon qui était
lui-même intimidé par le sombre dévouement que ces hommes portaient à
Harlequin.
Ils étaient confiants, mais aucun ne prenait les troupes
anglaises à la légère comme le faisait le reste de l’armée, laquelle s’était
convaincue que le seul nombre lui permettrait de l’emporter dans n’importe
quelle bataille. Harlequin interrogea sir Simon et Henry Colley sur la manière
de se battre des Anglais, et ses questions furent si intelligentes qu’elles
contraignirent les deux hommes à en rabattre et à réfléchir.
— Ils vont combattre à pied, conclut sir Simon.
Comme tous les chevaliers, il rêvait d’une bataille menée à
cheval, d’hommes tourbillonnant et de lances baissées, mais les Anglais avaient
appris à se battre dans leurs campagnes contre les Écossais et ils savaient que
des fantassins se défendent bien mieux que des cavaliers.
— Même les chevaliers combattront à pied, prédit sir
Simon, et pour un homme d’armes il y aura deux ou trois archers. Ce sont
ceux-là qu’il faudra surveiller.
Harlequin acquiesça.
— Mais comment vaincre les archers ?
— Attendre qu’ils soient à court de flèches, répondit
sir Simon. C’est ce qui finira par se produire. Laissez les têtes brûlées de
l’armée attaquer, attendez que les sacs de flèches soient vides, alors vous
tiendrez votre vengeance.
— Je veux plus que la vengeance, dit Harlequin.
— Que voulez-vous ?
Harlequin, un bel homme, sourit à sir Simon, bien qu’il n’y
eût rien de chaleureux dans ce sourire.
— Le pouvoir, répondit-il d’un ton très calme. Avec le
pouvoir, sir Simon, viennent les privilèges et avec les privilèges, la fortune.
Que sont d’autre les rois, sinon des hommes qui se sont élevés très haut ?
Eh bien nous nous élèverons nous aussi, et nous utiliserons la défaite des rois
comme les barreaux de notre échelle.
Un tel discours impressionna sir Simon, même s’il ne le
comprenait pas entièrement. Il lui semblait qu’Harlequin était un homme emporté
par son imagination, mais cela n’avait aucune importance parce qu’il avait la
détermination inébranlable d’abattre des hommes qui étaient aussi les ennemis
de sir Simon. Celui-ci rêvait de la bataille. Il voyait le visage effrayé du
prince, entendait son cri de terreur et se délectait à la pensée de faire
prisonnier ce gamin insolent. Et Jeannette aussi. Harlequin pouvait bien se
montrer aussi secret et subtil qu’il voulait pourvu qu’il conduise sir Simon
vers la réalisation de ses désirs.
Ainsi avançait l’armée française, se renforçant encore
d’hommes venus des confins du royaume et d’États vassaux situés au-delà des
frontières. Elle avançait pour fermer la Seine et prendre ainsi les Anglais au
piège. Sa confiance s’accrut encore quand on apprit que le roi avait fait un
pèlerinage à l’abbaye de Saint-Denis pour aller y chercher l’oriflamme. C’était
le symbole le plus sacré de France que cette bannière écarlate conservée par
les bénédictins dans
Weitere Kostenlose Bücher