La lance de Saint Georges
d’armes,
faisaient partie des fugitifs. On ne leur refusa pas l’entrée de la ville car
tous deux portaient une cotte de mailles et montaient des destriers. Colley
portait sa propre cotte et montait un cheval qui lui appartenait, mais sir
Simon avait volé son équipement et sa monture à l’un de ses hommes d’armes
avant de s’enfuir de Caen. Tous deux portaient des écus dont ils avaient
arraché la garniture de cuir et les signes distinctifs. Ils prétendaient être
des hommes libres cherchant un engagement. Il en arrivait beaucoup comme eux
dans la ville, en quête d’un seigneur qui leur assure la nourriture et une
rétribution, mais aucun n’avait en lui la colère dont débordait sir Simon.
C’était l’injustice qui l’exaspérait. Elle consumait son âme
en lui donnant soif de revanche. Il avait été tout près de rembourser toutes
ses dettes – en fait, quand l’argent de la vente des bateaux de Jeannette
était arrivé d’Angleterre, il avait pu se considérer comme libéré de tout
souci – et voilà qu’il était un fugitif. Il savait qu’il aurait pu
retourner en Angleterre, mais là-bas, tout homme ayant encouru la défaveur du
roi ou du fils aîné du roi pouvait s’attendre à être traité comme un rebelle,
et il pourrait s’estimer heureux s’il conservait un arpent de terre, pour ne
rien dire de sa liberté. Il avait donc préféré s’enfuir, certain que son épée
lui rendrait les privilèges qu’il avait perdus à cause de cette putain bretonne
et de son petit amant. Et Henry Colley l’avait accompagné, persuadé qu’un homme
aussi habile aux armes que sir Simon ne pouvait échouer.
Personne ne les interrogea sur leur présence à Rouen. Le
français de sir Simon portait trace de l’accent de la noblesse anglaise, mais
beaucoup de Normands avaient le même accent. Ce qu’il fallait à sir Simon,
c’était un patron, un homme qui assurerait sa subsistance et lui donnerait une
chance de rendre coup pour coup à ses persécuteurs. Or il y avait beaucoup
d’hommes puissants à la recherche de partisans. Dans des champs au sud de
Rouen, là où les méandres du fleuve enserraient la terre, une pâture avait été
réservée pour servir de terrain de tournoi. Devant une foule d’hommes d’armes
venus en connaisseurs, n’importe qui pouvait participer aux joutes et montrer
sa vaillance. Ce n’était pas un véritable tournoi – les épées étaient
émoussées et les lances munies d’une extrémité en bois – mais plutôt une
occasion pour les hommes sans maître de montrer leur valeur dans le maniement
des armes. Un groupe de chevaliers, des comtes, des vicomtes et de simples
seigneurs, tous champions des ducs, étaient les juges. Des dizaines d’hommes
pleins d’espoir se présentaient et tout cavalier qui tenait plus de quelques
instants contre des champions bien montés et superbement armés était assuré de
trouver une place dans l’entourage d’un grand seigneur.
Sir Simon, juché sur son cheval volé et muni de sa vieille
épée ébréchée, était l’un des moins impressionnants parmi ceux qui se
présentaient sur la pâture. Il n’avait pas de lance, aussi l’un des champions
tira-t-il son épée et piqua-t-il vers lui dans l’intention d’en venir à bout
rapidement. Tout d’abord, personne ne leur prêta une attention particulière car
d’autres combats étaient en cours. Mais lorsque le champion fut à terre alors
que sir Simon restait indemne sur son cheval, la foule le remarqua.
Un second champion se présenta. Il fut surpris par la furie
qu’il trouva en face de lui. Il cria qu’il ne s’agissait pas d’un combat à
mort, mais d’une simple démonstration d’épée. Mais sir Simon serra les dents et
donna de tels coups d’épée que le champion préféra tourner bride plutôt que de
risquer une blessure. Sir Simon plaça son cheval au centre de la pâture, attendant
un autre adversaire, mais ce fut un écuyer monté sur une jument qui vint au
trot lui offrir une lance, sans un mot.
— Qui l’envoie ? demanda sir Simon.
— Mon seigneur.
— Qui est-il ?
— C’est lui, dit l’écuyer en montrant du doigt, à
l’extrémité de la pâture, un homme de haute taille en armure noire, monté sur
un cheval noir, qui attendait avec sa lance.
Sir Simon rengaina son épée et prit la lance. Elle était
lourde, mal équilibrée, son armure ne comportait pas de crantage où il puisse
caler le long manche de l’arme
Weitere Kostenlose Bücher