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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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regagnèrent pas leurs casernes…

39
    – Je ne peux pas faire cela. Pas après ce que j’ai vu… Au reste, je n’ai jamais été très enthousiaste à cette idée. Non, je ne le ferai pas.
    – Et ton roi?
    Il parut surpris:
    – De quoi parles-tu?
    – Francis, tes demi-phrases, tes allusions, ces réflexions que tu t’adresses à toi-même en pensant que je n’y comprends rien et les mots qui t’échappent la nuit dans ton sommeil: penses-tu vraiment que je sois si sotte?
    – C'est que…
    – C'est qu’il faut que tu le saches: idiote, je ne le suis point.
    Il y eut un court silence puis Dawson leva sur la jeune femme le regard de ses yeux d’un bleu délavé.
    – J’irai voir ce Molière, ces Ronsard et tous ces La Boétie…
    Elle l’interrompit:
    – C'est moi qui irai. Toi, ils se méfieraient. Que leur veux-tu?
    – J’abandonne cette affaire d’assassinat de Valencey d’Adana. Qu’ils gardent les cent louis d’acompte. Je crois que pour eux, l’affaire est bonne.
    – Elle l’est. Mais une fois encore: que dira ton roi?
    – Tu t’inquiètes vraiment pour moi?… demanda-t-il, ému.
    – Il semblerait, non?… répondit-elle un peu rudement car effectivement, son service de la République ne l’obligeait pas à s’inquiéter pour l’avenir de l’espion Francis William Dawson.
    Il réfléchit un court instant.
    – Je vais gagner du temps. L'entretenir dans ses folies car avec George III, il n’est guère d’autre moyen.
    La jeune femme, gagnée par une grande mélancolie, lui dit en baissant la tête:
    – De toute façon, un jour tu partiras pour ton affreux pays et me laisseras. Je serai «ta Française», tu en parleras à ceux de ton club…
    Il la prit dans ses bras et releva délicatement le visage de la jeune femme:
    – Tu ne comprends donc pas que je t’aime?… Tu es la seule belle chose qui soit arrivée dans ma vie de chien. Jamais, je ne pourrai plus jamais te quitter.
    Elle l’embrassa avec fougue puis:
    – Quoi qu’on te dise, quoi que tu apprennes, sache ceci: tu es le seul homme que j’aie aimé et en retour le seul qui fut si aimant, si attentif. Oh oui je t’aime, Francis.
    L'homme à l’esprit froid parla sans s’enflammer, d’un ton calme qui donnait beaucoup de crédit à ses paroles mesurées:
    – Voici une dizaine d’années, dans ces guerres sourdes qui furent miennes, je fus amené à vivre en Hollande. Je montai avec des fonds secrets une société de commerce maritime pour légitimer ma présence. Je me piquai au jeu et y pris beaucoup d’amusement si bien que je créai une seconde société mais avec mes fonds propres. L'Angleterre se désintéressa bientôt de mon activité en Hollande. Je liquidai la première société et rapatriai les capitaux vers la couronne mais la mienne prospéra. Léonore, j’ai gagné tant d’or que j’ai des intérêts dans la taille des pierres précieuses, la construction navale, les filatures de soie et de coton, les fournitures pour l’armée et bien d’autres choses… Je continuai mon métier d’espion par jeu, et peut-être prenais-je du plaisir à manœuvrer les hommes telles des marionnettes. Ce temps est révolu, il n’y a que toi.
    – Mais… L'Angleterre?
    Il la prit dans ses bras et la serra contre lui.
    – J’ai écouté cette jolie chanson de marins, tout à l’heure, quand la jeune femme donnerait Versailles et Paris pour son mari prisonnier. Moi, je te donne l’Angleterre, Léonore, et te veux épouser.
    Complètement affolée par cette déclaration, elle ne sut que faire. Toutes ces nuits de passion, ces longues promenades, l’amour absolu de Dawson, elle ne pouvait se résoudre à perdre cela mais ne voulait ni ne pouvait trahir la République.
    Elle s’écarta et lui sourit.
    – Je cours voir Molière. Au moins, avec ton désistement, serons-nous libres sur ce chapitre.
    C'est donc chez Gréville, qu’elle se précipita…
    Quarante-cinq minutes plus tard, sans le concours trop voyant de la garde nationale, huit policiers de «la Secrète» vêtus de sombre vinrent arrêter Dawson chez lui. Il n’opposa aucune résistance.
    Sans ménagements excessifs, et sans brutalités non plus, on le mena dans un bureau proche du Palais de justice et on le laissa seul dans une pièce pendant deux heures.
    Il n’en fut guère éprouvé, connaissant de longue date cette partition-là. Sa seule angoisse venait d’ailleurs: Léonore!… La maison était-elle surveillée?… Allait-on

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