Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
Vom Netzwerk:
échangèrent un regard. Ce chant n’était guère patriotique mais à tout bien considérer, il soudait le peuple autour de son armée et de ses malheureux prisonniers qu’il faudrait bien aller libérer en renversant tous les trônes d’Europe et en jetant dans la boue toutes les couronnes des tyrans.
    Pour le gros de la troupe, Valencey d’Adana avait adopté une forte concentration, réduit les espaces jusqu’au coude à coude, si bien que ce carré à la manière des légions romaines dégageait une impression de force invincible.
    Un instant, on crut le défilé achevé. Un écart s’était creusé: cent, deux cents, cinq cents mètres… Puis l’on en comprit la raison. Pour le plaisir des Parisiens, c’est au galop que Valencey d’Adana présentait ce qu’on appelait déjà son «artillerie volante». Dans une longue correspondance, il avait tout repensé concernant la densité des matériaux, jusqu’aux métaux et acier des alliages composant les roues. Partout, sur ces pièces, trois principes prévalaient: vitesse, légèreté, solidité.
    Quarante attelages, quarante canons: le Gribeauval, le plus rapide du monde, jusqu’à quatorze coups à la minute «au jugé» et sept «au dirigé». L'avant-train était muni de deux roues où reposait l’extrémité de l’affût, et se trouvait assemblé par un caisson pour former astucieusement un véhicule à quatre roues. On distinguait même une boîte à outils sur chaque caisson ainsi que les réserves de boulets.
    L'arrivée à grande vitesse de l’artillerie tractée que les républicains nommaient «la foudre patriotique» amena la foule aux hurlements d’autant que chevaux, canons et caissons avaient été partout enjolivés de fleurs, de pompons et de longs rubans tricolores. On s’évanouissait. La garde nationale, chargée de maintenir une foule qui n’exultait pas moins, tira en l’air. Cette demi-brigade rutilante et qui semblait invincible par sa cohérence devenait la réalité matérielle des idéaux de la Révolution.
    S'il fut un jour où le ci-devant et défunt roi fut l’objet d’une nouvelle bouffée de haine, c’est bien celui-là: comment ce despote avait-il pu exiler des hommes pareils, aussi exceptionnels?
    Enfin, après deux rangs d’officiers à cheval, on vit, en formation serrée, les cent quatre-vingts «vétérans», des hommes durs, solides comme des arbres, aux visages marqués par les coups de sabre.
    – Où est-il?… demandait-on partout.
    Car l’évidence s’imposait: les vétérans fermaient le défilé.
    Cependant, point n’était besoin de connaître Valencey d’Adana pour le deviner. Refusant de se trop distinguer, de se faire remarquer en se trouvant très détaché, il n’était que deux mètres devant un ultime rang d’officiers à cheval parmi lesquels Mahé, Keringan et Lamorville.
    Il avait refusé un cheval blanc. Et refusé de porter son uniforme de général, préférant défiler en tenue de capitaine de vaisseau.
    Arrivé devant la tribune, il sortit son sabre du fourreau et effectua un superbe tête à droite pour saluer les représentants du Peuple.
    Dawson écarquilla les yeux, murmurant:
    – Mon Dieu, c’est donc lui…
    – Et tu le veux tuer?… souffla Léonore.
    Dawson secoua négativement la tête tandis qu’à cinquante mètres de là son adversaire, Pierre-François Gréville, souriait, fier d’être l’ami d’un tel homme auquel l’unissait une si ancienne complicité.
    Comment jamais l’expliquer?… Même si Valencey d’Adana ne s’était pas trouvé deux mètres devant son dernier rang d’officiers, le peuple de Paris l’eût reconnu. Calme, maître de lui, un très léger sourire aux lèvres, promenant le regard un peu étonné de ses yeux gris-vert sur ces dizaines de milliers de visages qui criaient son nom, il paraissait aussi invincible que sa légende.
    Passant devant le bas des Champs-Élysées, il lui fallait faire le tour complet de la place, comme ses troupes.
    Son cheval noir allait à pas lent. Le tricorne marine galonné d’or posé très droit, la taille bien prise par une large écharpe tricolore, des décorations françaises, américaines et espagnoles formant tout un rang sur sa poitrine, combien furent-ils à l’imaginer sur le pont de sa légendaire frégate, semant la terreur chez les marins de la Royal Navy?
    L'humanisant s’il en était besoin, son chien allait à ses côtés, le plus parisien des chiens puisque le bouledogue est dit,

Weitere Kostenlose Bücher