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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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petit silence et reprit:
    – Léonore pense que vous aimez ce pays qui a brisé ses chaînes et se trouve encerclé. Dawson, la République française est jeune, elle n’a pas prié tous les despotes d’Europe de venir la mettre à feu et à sang pour rétablir sur le trône des princes oppresseurs avec l’aide des esclaves servant dans les armées étrangères. On vous demande un peu d’humanité, vous comprenez trahison!
    – Que désirez-vous?
    – Vous partirez, si vous l’acceptez, le 20 mai pour être de retour cinq jours plus tard avec ce petit renseignement qu’un homme tel que vous obtiendra sans aucune difficulté.
    – Au fait, Gréville.
    – Je veux connaître tous les mouvements des vaisseaux de la Royal Navy entre le 25 mai et le 4 juin.
    Dawson conserva le silence, tourmenté, et Gréville se garda bien du moindre mouvement. Il avait dans sa vie vu bien des hommes trahir: un pays, une cause, des complices… Mais empêcher une famine et sauver celle que l’on aime dans un même mouvement, est-ce encore de la trahison?
    Dawson releva brusquement la tête.
    – Où est Léonore?
    – Dans une pièce voisine. Morte d’inquiétude, j’imagine.
    – Si je faisais… cette chose, je ne reverrais jamais plus l’Angleterre.
    – Ni votre adorable George III…
    – Je ne peux vous garantir que les mouvements des escadres, pas des navires solitaires.
    – Seules les escadres intéressent le Comité de salut public.
    – C'est bon, Gréville, vous gagnez.
    Le policier se leva, l’espion en fit autant en questionnant:
    – À ma place, qu’auriez-vous fait?
    Gréville baissa les yeux et se mordit nerveusement les lèvres, puis:
    – Nulle femme ne m’a jamais aimé, Dawson. Jamais… Alors, comment le saurais-je?
    Puis, beaucoup plus sèchement:
    – Je vous souhaite de la réussite dans l’accomplissement de votre mission pour la République et…
    Il tenta, sans trop de succès, d’adopter un ton plus chaleureux:
    – ... Et beaucoup de bonheur.
    – Gréville, après cela, je vous enlèverai Léonore.
    – Je sais.
    – Nous vivrons… comme tout le monde.
    – Et pourquoi pas, Dawson, pourquoi pas?

40
    Depuis son retour de Paris, Blacfort éprouvait la désagréable sensation que les choses lui échappaient, au moins pour partie.
    Certes, son escapade dans un baquet sous la guillotine et le sang des régicides dont il fut aspergé avant de l’avaler comme une eau fraîche lui valait un surcroît de popularité chez les Vendéens et dans l’émigration. Mais d’autres choses l’inquiétaient.
    Ainsi, l’accueil assez réservé du généralissime Stofflet et l’insistance du général républicain Turreau, chef des «colonnes infernales», à le repousser au sud sans combats violents mais à l’aide de barrages, reconnaissances et verrouillages. Une manière ferme, si bien qu’on se trouvait toujours au bord d’une bataille que Blacfort ne souhaitait pas. Pas pour l’instant et pas avec Turreau.
    Cependant, l’inquiétude de Blacfort venait surtout d’ailleurs, très précisément du fait que son protecteur, le généralissime vendéen Stofflet, le battait froid.
    Saute d’humeur?… Angoisse due à la situation très préoccupante de la Vendée pour les royalistes?… Ou jalousie?….
    Blacfort inclinait plutôt pour ce dernier point, des renforts importants et inattendus s’étant le matin même présentés à lui et non, comme il eût été naturel, au généralissime. Ajoutant à l’amertume de Stofflet, il était peu douteux que les susdits renforts avaient agi de la sorte sur ordre direct des princes. Si bien qu’aujourd’hui, l’armée Blacfort comptait autant d’hommes, voire davantage, que celle de Stofflet.
    Blacfort haussa les épaules et, émerveillé, fit ses comptes. À ses mille deux cents hommes s’étaient d’abord joints trois cents volontaires du nord de la Vendée puis cinq cents chouans et, raclant les fonds de tiroirs d’Anjou et du Maine-et-Loire sur ordre des princes, huit cents de plus, ce qui faisait un total de deux mille huit cents fantassins, quatre-vingts cavaliers et vingt-cinq canons!… Mais d’autres devaient joindre…
    On était fort loin des chiffres des armées catholiques et royales des débuts comptant plusieurs dizaines de milliers d’hommes mais par les temps actuels, une telle force paraissait respectable: assez considérable pour frapper fort, trop peu nombreuse pour ne pas pouvoir se déplacer de forêt en forêt. Sans

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