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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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compter qu’en face, les troupes républicaines se fatiguaient, gagnées par l’écœurement. Aussi avait-il laissé l’aigre Stofflet en forêt de Maulévrier et marchait-il au sud sans rencontrer de résistance.
    – L'idéal!... souffla Blacfort et l’abbé Phébus Monteroux lui fit écho en amplifiant ses paroles avec son habituelle servilité:
    – Et mieux encore!
    Mais Blacfort l’ignora, tout soudainement préoccupé d’autres chose:
    – Mme de Juignet-Tallouart est-elle arrivée?
    À sa grande surprise, alors qu’il tentait de quitter la place de la Révolution en emportant Victoire sur son cheval, Valencey d’Adana avait été abordé par deux hommes du Bureau de police générale du Comité de salut public, prétendant obéir à Gréville – dont ils ne dépendaient pas directement – et devoir les mener en un endroit assez proche.
    Quoique perplexe, et alors qu’il eût souhaité pouvoir enfin parler avec Victoire, Valencey d’Adana et son «amazone» furent conduits près des Tuileries vers un somptueux hôtel particulier. À peine pénétrèrent-ils dans la cour que des palefreniers se précipitaient pour s’occuper de la monture du général.
    Leur curiosité éveillée, Valencey d’Adana et Victoire suivirent les deux policiers jusqu’à la salle de réception, un endroit magnifique.
    Le plus âgé des policiers, déférent sans être obséquieux, expliqua alors:
    – Le général Gréville a songé que votre petit appartement de trois pièces de la rue Saint-Martin n’était pas digne de l’accueil que souhaite vous réserver Paris. Aussi, durant votre séjour et si vous l’acceptez, allez-vous résider en ces lieux.
    – Mais attendez… À qui appartient cet endroit?
    – À la nation!… Le propriétaire, un fermier général, est en fuite.
    – Mais nous l’attraperons aux frontières!… assura l’autre qui ajouta: toutes ces sangsues furent pour le peuple bien plus nuisibles que nombre d’aristocrates et bientôt…
    Il se tut sur un coup de coude de son chef et les deux hommes prirent rapidement congé.
    Un valet perruqué, flatté de servir un prince plutôt qu’un nouveau riche, se présenta pour s’enquérir des désirs de Valencey d’Adana. Étonné, il s’entendit répondre:
    – Une chambre. Et la paix, de grâce!
    Ils venaient de découvrir l’amour et se regardaient avec un mélange d’émerveillement, de passion et de surprise.
    Victoire, de tout temps, n’avait jamais envisagé qu’un autre que Joachim pût lui offrir cette révélation: plutôt mourir vierge.
    Quant à lui, qui pensait posséder une certaine expérience, dont il ne s’exagérait surtout pas l’importance, il eut l’impression d’une première fois, tout lui parut nouveau, envoûtant et sublime.
    En pénétrant dans la chambre, pourtant, et devant ce grand lit aussi précieux que prétentieux, c’est le jeune général qui se montra le plus nerveux, se prenant d’abord les pieds dans un tapis, se rattrapant in extremis à un guéridon mais faisant du même coup chuter un grand vase de glaïeuls… Et ce fut peut-être un bienheureux hasard car devant une telle succession de maladresses de la part d’un homme qui pouvait faire accoster au mètre près un navire de plusieurs centaines de tonnes ou faire mouche au canon, à cent cinquante mètres, sur la tête d’un amiral anglais, il n’était plus qu’une chose à faire: éclater de rire. Ce qu’il fit le tout premier.
    Et ce rire, qui leur faisait souvenir de tant d’autres à l’époque de leurs années heureuses, eut pour effet salutaire de faire s’effondrer timidité et nervosité. Tout devint naturel, même ce qui semblait à Valencey d’Adana d’infranchissables obstacles. Par exemple, il redoutait de la voir se déshabiller, et de faire de même, ressentant une paralysante pudeur: que faire?… Qui commence?… Où regarder?… Faut-il se taire ou parler en pareil cas?…
    Au lieu de quoi, sans même y songer, après de longs baisers, ce fut lui qui la dévêtit très doucement, avec des mains tremblantes mais des gestes sûrs.
    Après ses lèvres, il l’embrassa sur tout le corps, longuement, l’enveloppant de la tête aux pieds d’une tendresse qui permit à la jeune femme de s’abandonner à ces caresses sans plus songer qu’au bonheur de l’instant.
    De part et d’autre, en parfaite harmonie, on devint plus violent. Comme si posséder l’autre, le serrer plus fort contre soi, c’était remonter toutes

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