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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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depuis les halles du Moyen Âge, «chien des bouchers». Flatté, tout Paris sourit, étant prévenu par les gazettes que l’animal s’appelait… La Fayette.
    Mais le curieux petit bouledogue, quoique assez laid, chavirait les cœurs les plus durs en cela que, tous les quatre ou cinq mètres, il levait un regard sur son maître, tout là-haut sur son cheval, comme pour s’assurer qu’il défilait convenablement et faisait ainsi honneur au général et ancien prisonnier de la Bastille.
    Victoire crut défaillir. C'était lui!… Lui, lui, lui!… Et Dieu qu’il était beau, plus beau encore qu’auparavant, répondant par son élégance et un léger sourire à la folie de la foule qui l’acclamait après en avoir été si longtemps privée. De temps à autre, il soulevait d’un geste gracieux son tricorne pour saluer en retour. Ses cheveux à peine grisonnants, son visage tourmenté aux joues creusées, ses paupières légèrement tombantes sur les côtés qui lui donnaient un charme supplémentaire, ce regard profond et tendre, ces yeux gris-vert auxquels elle ne résistait pas. Beau, tellement beau qu’aucune statue, aucun tableau ne pourrait jamais restituer son héros tel qu’il était pour elle.
    À côté de Victoire, un homme tenait son petit garçon dans ses bras et la jeune femme l’entendit alors qu’il disait avec orgueil et un rien de tristesse à son fils:
    – Regarde, mon garçon, regarde ce grand général et tous ses marins magnifiques. Regarde-les bien et ne les oublie jamais: ils viennent de l’autre bout du monde et s’en vont mourir en Vendée pour la République et pour le peuple!
    Anéantie par ces paroles, Victoire secoua l’épaule du sous-officier de la garde nationale qui l’avait placée au premier rang:
    – Laisse-moi passer, citoyen, cela fait treize ans que le général et moi nous… nous attendons de nous rencontrer.
    Il allait l’envoyer au diable car sans doute des dizaines de milliers de femmes voulaient serrer le héros dans leur bras mais… Il vit Valencey d’Adana soudain tout pâle arrêter son cheval et regarder la jeune femme avec stupeur.
    Le sous-officier, courant le risque, laissa passer Victoire.
    Statufié, et tandis que la foule s’interrogeait avec angoisse, croyant qu’on avait déplu au général, Valencey d’Adana la regarda tel le plus beau joyau du monde. Le temps, toutes ces années, ne l’avaient pas même effleurée, bien au contraire: plus épanouie, les formes plus généreuses, elle ne lui avait jamais paru aussi belle, aussi désirable.
    Elle portait une légère robe à la mode qui venait d’être lancée, sans jupons et très près du corps. Une robe bleue au collet blanc liséré de rouge ainsi que les manches qui s’achevaient, bouffantes, au-dessus du coude. C'était fort gracieux… et très patriotique!
    Coiffée d’un petit chapeau bleu marine à cocarde et ruban tricolore, elle portait les boucles d’oreilles ressemblant à des cerises qu’il lui avait offertes pour ses dix-huit ans.
    Tous deux se souriaient, et tous deux voyaient les larmes de l’autre en ignorant les siennes.
    Il avança son cheval de quatre pas puis, toujours en selle, sa botte quittant un des étriers, il se pencha très bas et, d’un geste large comme on cueille une brassée de fleurs, il la saisit par la taille, la souleva et la posa devant lui, en amazone, murmurant:
    – Voilà si longtemps que j’attends cet instant, cher amour.
    La Fayette repartit le premier, le haut cheval noir suivit mais le couple, qui s’embrassait follement, en fut-il seulement conscient?
    À part Mahé et Gréville, tous deux très émus, nul ne connaissait leur douloureuse histoire. L'instant de dépit passé, les Parisiennes furent flattées que le héros dont la rumeur affirmait qu’il était inapprochable fût ainsi pris de passion soudaine par l’une d’entre elles. Les Parisiens l’envièrent, certes, mais ceux qui connaissaient la guerre se dirent que Valencey d’Adana aurait bien peu de temps pour profiter de sa bonne fortune, étant davantage promis à l’enfer qu’à la volupté, au charnier qu’à l’alcôve, à Thanatos qu’à Éros.
    Sur la place de la Révolution, le geste galant du général commandant la 123 e demi-brigade «Liberté, liberté chérie» agit comme un signal et les sept cent quatorze marins furent littéralement happés par la foule.
    On ne les entendit point protester.
    Un grand nombre de volontaires, cette nuit-là, ne

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