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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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ces années perdues, inverser le cours du temps, reprendre ce qu’on leur avait volé: leur jeunesse. Il y avait là un mélange de passion et de désespoir qui créait une sensation incomparable, alliant les contraires: douceur et brutalité. Mais surtout, surtout, à la seconde près, leur désir semblait une fusion, le même mouvement au même instant, le même soupir extasié à la seconde près.
    Lorsque, dans un cri qu’elle n’entendit pas même, ils atteignirent ces quelques fugaces secondes où les amants ne font plus qu’un et où l’un est l’autre, ils furent submergés par une vague de tendresse et la plus délicieuse des fatigues.
    Enfin, s’étant trouvés, ils surent que plus rien, jamais, ne les séparerait.
    Il se leva brusquement, comme pris d’une inspiration subite. Il chaussa ses bottes noires, enfila sa vareuse cliquetante de décorations et la boutonna sur sa poitrine nue: tant pis pour la chemise et le gilet. Enfin, il coiffa son beau tricorne galonné d’or où se voyait un plumet tricolore puis il l’observa.
    Toujours couchée, amusée, elle le regardait mains croisées derrière la nuque, attendant.
    Il afficha une certaine raideur:
    – Considérant que ni toi ni moi n’avons plus de famille à laquelle je puisse demander ta main, accepterais-tu, Victoire, ci-devant marquise de La Chesnaie de Flers, de devenir Victoire de Niel, ci-devant comtesse de Valencey et ci-devant princesse d’Adana?…
    Comme elle le regardait, stupéfaite, il ajouta:
    – Citoyenne… adorée, considérant mon départ imminent pour la guerre, je pense que Gréville pourrait nous organiser ce mariage pour demain matin.
    – Citoyen mon amour, j’accepte!… Mais la guerre, je la ferai à tes côtés, à présent!… dit-elle, souriante, en lui ouvrant les bras.
    Ils s’embrassèrent avec fougue et allaient refaire l’amour avec encore plus de violence lorsque… ils durent acquitter la rançon de la gloire!
    Les couturiers s’étaient battus comme des chiffonniers pour venir offrir à Victoire leurs dernières créations.
    La jeune femme, en grande partie par curiosité, se laissa convaincre de passer aux essayages et, finalement séduite, fit quérir Valencey d’Adana très occupé, au rez-de-chaussée, à refuser, souvent en vain, d’autres présents.
    Il vacilla un peu en découvrant Victoire magnifique dans une très piquante robe rouge. Il la complimenta et remarqua alors un homme à tignasse blanche, lunettes foncées, grosse tête, petits pieds et léger accent allemand: le couturier. La beauté de Victoire sembla brusquement moins frapper le Lully de la quenouille que le charme viril de Valencey d’Adana. Il se pâma en joignant les mains:
    – Ah, prince, prince je…
    – Citoyen, oublie le prince: je suis républicain.
    – Eh bien… Cette robe te semble bien entendu trop audacieuse?
    – Non, elle ne l’est pas. On n’est jamais trop audacieux: j’ai construit ma vie sur cette croyance.
    Ces paroles mirent le couturier en confiance de sorte qu’il put parler très librement de son art:
    – Les femmes d’aujourd’hui portent des robes conçues pour laisser apercevoir tous les mouvements de leurs corps. Vois-tu, citoyen, j’ai voulu que les plis, l’ensemble des plis formés par le vêtement… Tournez-vous, madame… Voilà, que ces plis soient portés sur l’arrière et disons-le, sur le derrière… Oui, c’est très bien, mon petit, tournez encore… Cela a pour effet, n’est-ce pas, hum, de faire ressortir la cambrure de la taille et la rondeur de la croupe…
    – Tu maîtrises bien ton métier, citoyen couturier.
    – Mais je suis un grand!
    – J’en prends bonne note, citoyen grand couturier. L'homme rougit de plaisir et battit des cils sous le compliment avant de poursuivre:
    – Quant aux vêtements de sous la robe…
    Il hésita mais Victoire le prit de vitesse en relevant sa robe jusqu’au haut des cuisses, ce qui ne fit, comme elle s’en doutait, aucun effet sur le couturier qui continua:
    – Vois-tu, citoyen général, nous avons là de très jolies jambes…
    – J’avais remarqué, citoyen grand couturier: les plus belles jambes du monde.
    – Certes… Donc, les bas sont en soie blanche brodée d’or. Sur les jarretières aurore, je suis assez fier de cette petite décoration brodée, couleur feu: deux cœurs enflammés.
    – Tu as su préserver une sensibilité de grisette en cette époque d’affrontements sauvages et c’est un grand mérite,

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