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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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conversations des cercles d’hommes.
    Mais, froide comme la glace, le cœur sec et l’esprit aux aguets, elle voyait poindre autre chose et disposait d’un second fer au feu. La grande pourriture de certains députés, la vénalité d’un Danton, tout cela ne lui échappait pas. Ces révolutionnaires, dont certains édifiaient des fortunes colossales par la vente des biens nationaux, n’écouteraient pas toujours les Robespierre et les Saint-Just, ces hommes étranges qui, désintéressés, plaçaient la vertu et le contentement de vivre à petits moyens au-dessus des plaisirs dont l’or est le grand dispensateur.
    Tôt ou tard, la vertu trébucherait: elle trébuche toujours!… Un jour, le goût du bien public laisserait la place à l’enrichissement personnel car sur ce chapitre, l’Histoire est sans appel. Un matin, les purs seraient tués par les corrompus. Et arriverait l’instant où un banquier «républicain» ou un fournisseur aux armées se piquerait d’épouser une véritable comtesse, par ailleurs très jolie femme devenue un personnage de l’histoire de la Vendée: de quoi emplir le salon d’un parvenu!
    Il poussa un râle, puis, se retirant brusquement d’elle:
    – Nettoie-moi ça. Avec ta bouche.
    Soumise en apparence, elle s’exécuta de la manière dont il l’attendait.
    Elle ne ressentait aucune humiliation, l’ambition prenant le pas sur tout le reste. Pareille chose eût déçu le général vendéen qui attachait beaucoup d’importance à cette manière de faire l’amour, ce qui n’était pas le cas de sa compagne.
    Il lui claqua durement les fesses en disant:
    – Morbleu, j’ai reculé les frontières de ce que tu croyais être l’amour!
    Ce n’était pas même une question, elle se contenta donc de lui sourire en feignant un air d’émerveillement tandis qu’elle songeait: «Imbécile, tu as seulement reculé les frontières de mon mépris!»
    Quant à la surprendre… À treize ans, Mme de Juignet-Tallouart couchait déjà avec son frère, imitant en cela la célèbre duchesse de Gramont laquelle, de notoriété publique, faisait l’amour avec son frère, M. de Choiseul, ministre de Louis XV.
    Blacfort prit ombrage de son regard rêveur et demanda d’un ton suspicieux:
    – À quoi penses-tu?
    L'air angélique, soumise et énamourée, elle baissa les yeux et, d’une petite voix:
    – Ce que tu as fait de moi, tout de même…
    – Ma putain. Tu es ma putain.
    – Tu es… si dur, quelquefois.
    Flatté, il haussa les épaules.
    – Je sais.
    Le soleil se couchait dans un magnifique rougeoiement qui empourprait le bocage vendéen.
    La jeune cantinière d’un régiment de ligne des armées de l’Ouest regarda le soldat, un volontaire, qui lui tenait la main. Elle l’avait choisi moins eu égard à sa beauté que pour sa gentillesse et sa timidité.
    – Que fera-tu après la guerre?… demanda-t-elle.
    – Je retournerai chez nous, en Alsace, m’occuper de nos vignes. Et je t’emmènerai.
    – Ils m’aimeront, en Alsace?
    – Mes parents t’aimeront. Ils sont simples et bons. Je suis le seul enfant qui leur reste.
    – Alors nous serons heureux!… dit-elle en essayant d’y croire car de sombres pressentiments alourdissaient son cœur.
    – Oui, nous serons heureux. Plus de rois, plus de nobles et nos enfants naîtront libres, aimés par des parents qui ne se quitteront jamais.
    Elle décida d’y croire et se coucha dans l’herbe. Elle pensait que le bonheur est la seule chose qui vaille en ce monde, elle ne demandait rien d’autre.
    Elle fut heureuse cette nuit-là et nul ne lui ôterait jamais cela car les heures, même brèves, qu’on dépose sur l’autel de la félicité, c’est toujours autant qu’on arrache au malheur: les dispensateurs de leçons de morale, les prêtre fanatiques rappelant les moines ligueurs, les philistins emmurés dans des préjugés d’un autre temps et ces messieurs de la chouannerie à panache et rubans blancs qui interdisent au peuple les plaisirs qu’ils s’octroient, tous ceux-là n’y avaient jamais pensé. Ni eux, ni leurs pareils en les siècles futurs…
    L'amoureux, devenu sous-lieutenant, fut tué deux ans plus tard à la bataille d’Altenkirchen, la jeune femme, inconsolable, fut sabrée par un cosaque dix-huit ans après, lors du désastreux passage de la Bérézina.
    Mais, contrairement à un Blacfort, ils avaient en eux, à l’instant du saut suprême, cette merveilleuse nuit, ce souvenir précieux qui

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