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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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entre ses mains, à lui qui n’avait qu’à demeurer en Angleterre pour échapper à Gréville… et condamner Léonore à une mort certaine.
    Il sourit, tant pareille chose tenait du rêve.
    Aimé, lui!… Elle si jeune et si belle, lui trop gros, demi-chauve, la peau trop rose et dans les yeux ce bleu désespérant du ciel qui manque souvent à la grise Angleterre.
    L'Angleterre!... Une trahison?… L'Angleterre paraissait bien assez solide pour y survivre. Trahir le roi George III?… Ce presque fou l’eût tôt ou tard disgracié et remplacé à la tête de l’espionnage anglais sans reconnaissance pour les services rendus.
    Pour son «travail», Dawson avait lu Voltaire, Rousseau, les philosophes, les Encyclopédistes et la presse révolutionnaire. D’abord révulsé, puis choqué, critique enfin, sa pensée évolua: semi-approbation, adhésion, enthousiasme.
    Les idées menaient le monde, la morale était son guide et la vertu son aiguillon. Les guerres modernes, les crises, tout venait à présent des idées et ce sont elles qui révélaient chacun. Sans ses idées, Valencey d’Adana eût-il participé avec tant d’éclat à la guerre d’Indépendance américaine?… Eût-il été banni par le tyran en raison de son goût de la liberté, son indocilité et sa désinvolture affichée très ostensiblement?… Eût-il continué seul la guerre contre l’Angleterre, fondé une colonie républicaine et vigoureusement épaulé la Révolution?… Sans ses idées, Valencey d’Adana eût été un simple officier de marine.
    Les idées créaient l’Histoire, l’Histoire permettait aux hommes de se révéler tels qu’on ne les eût point soupçonnés sans elle. À preuve ces jeunes généraux glorieux, hier encore tonnelier, palefrenier ou simples commis.
    L'Histoire n’effectue point deux services et il faut savoir la saisir par la taille comme une jolie cavalière un soir de bal.
    Dawson le savait, il avait choisi Léonore, la France, la République et cet air de liberté qui soufflait sur le monde.
    Apaisé, il tenta de trouver le sommeil.
    Blacfort aimait prendre la jolie comtesse de Juignet-Tallouart tandis qu’elle se trouvait à quatre pattes, les fesses tendues vers lui qui se trouvait à genoux derrière et la besognait sans douceur.
    L'idée que la jeune femme en souffrît dans son physique et sa fierté ne l’effleurait pas même.
    Moins original en cela, hélas, qu’il ne le pensait, le général vendéen n’envisageait de relation sexuelle que par l’humiliation de l’autre. Et cette position animale lui semblait la plus avilissante qui soit. Cependant, il eût mieux fait d’écouter «son ami» Valencey d’Adana lequel, à quinze ans, lui faisait déjà remarquer: «Nicolas, pourquoi ne vois-tu les choses que de ton point de vue sans t’élever jamais à celui des autres?»
    L'eût-il fait, son plaisir actuel se fût trouvé gâché avec cependant l’avantage de le voir peut-être renaître de manière où l’amour devient partage. En outre, il n’était guère subtil: si la jeune femme se trouvait à quatre pattes «comme une chienne», ainsi qu’il le disait, n’était-il pas lui-même à genoux derrière elle? À genoux: une position d’humilité et d’idolâtrie s’il en fut jamais!
    Blacfort n’y songea pas.
    – Aboie, chienne!
    Elle aboyait. Mais Blacfort qui pensait que la jeune femme en arrivait à pareille extrémité poussée par le désir serait tombé de haut s’il avait connu les véritables raisons de la docilité de sa maîtresse.
    Il pensait humilier une femme hautaine, méprisante et arrogante dont il se croyait le maître… quand il ne faisait que servir l’ambition de la sulfureuse comtesse.
    Elle ne l’aimait pas. Elle ne prenait aucun plaisir avec lui, ayant connu des hommes autrement attentionnés dans l’art de la caresse qui exige qu’on soit toujours très attentif. Avec Blacfort, elle assurait sa propre notoriété, ce qui, dans la vision des temps futurs, faisait monter son prix. Maîtresse officielle de Blacfort, elle devenait une des grandes amazones, sinon la plus grande, de l’épopée vendéenne. S'étant baignée nue dans le sang des régicides, elle éclipsait toutes les ambitieuses de sa sorte. En outre, elle n’ignorait pas que les émigrés, ces hautes fortunes qui se trouvaient aussi les plus grands noms de France, en faisaient leur héroïne, celle qu’on désire, dont on rêve et qui constitue un centre d’intérêt dans les

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