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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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fonctionne comme une lanterne magique si d’aventure viennent les heures sombres.
    Mais qu’advient-il donc des amours mortes, foudroyées en leur zénith, si ce n’est parfois, dans l’air, une allégresse dont on ne sait l’origine, à moins qu’elle ne soit le souffle heureux des amants disparus?… Une joie de vivre inattendue et inexplicable qui vous prend sans raison un soir d’été ou un matin de printemps, dont l’effet réconforte les cœurs malheureux et les âmes solitaires: allons, ceux qui ont déjà souffert de chagrins d’amour et du déchirement de la séparation savent bien tout cela!

42
    Dans une vaste clairière de Vincennes, entourée de sainfoins aux jolies fleurs rouges, entre le château et le couvent des minimes, Valencey d’Adana qu’accompagnait Victoire et que suivait le chien La Fayette, était bien le seul à s’y retrouver parmi des centaines de chariots venus compléter ceux marqués aux armes de la 123 e demi-brigade «Liberté, liberté chérie».
    Dans l’armée, où l’on murmura fort de ces nouvelles méthodes, on n’avait jamais vu chose pareille: les hommes, mais aussi les canons soigneusement démontés, partaient vers le front des combats de l’Ouest… en chariots.
    – Cette campagne sera dure, je veux que mes hommes arrivent frais et que mon matériel n’ait point souffert, surtout mes canons, des ornières et des cahots de la route.
    On avait cédé au général sans bien comprendre et, sur la longue route menant en Vendée, des milliers de villageois et de citadins devaient écarquiller les yeux en voyant ces interminables convois de troupes et de matériels de la marine monter à la bataille en voiture.
    Pendant ce temps, Valencey d’Adana s’était rendu à Ermenonville, toujours accompagné de Victoire mais également de Mahé qui s’était joint à eux.
    En barque, il gagna seul «l’île aux Peupliers» où se trouvait la tombe de Jean-Jacques Rousseau. C'est là qu’il avait donné rendez-vous à Robespierre, familier du lieu.
    Ils se regardèrent avec émotion et échangèrent un sourire. Puis, celui qui dans quelques jours serait président de la Convention et le prince échappé de tant de périls se donnèrent l’accolade.
    L'histoire ne le retint pas, ou si peu, mais quoi qu’on puisse lui reprocher par ailleurs, Robespierre était un homme aux sentiments délicats, sensible et fragile, qu’un rien bouleversait.
    – Quel chemin depuis Arras et notre dîner au «Sabot» après cette bagarre avec des laquais!… lança Valencey d’Adana d’une voix où perçait une légère nostalgie.
    Robespierre lui prit amicalement le bras.
    – Faisons quelques pas… Ah, mon ami, mon très cher ami, comme j’ai suivi vos exploits avec ferveur.
    – Et moi votre ascension!
    Robespierre eut un petit geste qui traduisait sa nervosité naturelle et le peu d’importance qu’il accordait à sa réussite personnelle.
    – Je suis dans ces fonctions pour le bien public, moi, je n’ai pas d’importance. Vous savez, ils me tueront bientôt.
    – Ce serait tuer la Révolution.
    Robespierre s’immobilisa un instant sans lâcher le bras du général qu’il observa en souriant:
    – Comme j’aime que vous ne me déceviez jamais. Je pense souvent à Arras, à votre intervention inespérée quand je n’étais rien qu’un malheureux jeune homme face à ces brutes…
    – Nous étions bien trempés, moi des pluies de la nuit précédente et vous du fait de la méchanceté de ce cocher. À propos, qu’est devenu ce nobliau prétentieux, cette merde suffisante?
    Robespierre ne put s’empêcher de sourire:
    – Lui?… Il fut guillotiné. Que voulez-vous, il complotait comme tant d’agents de la contre-révolution.
    Il ne lâchait pas le bras de Valencey d’Adana et marchait en regardant le sol. Sa voix était demeurée aussi faible que par le passé et sa silhouette toujours frêle.
    – Quelle chance fut la nôtre, mon ami. Nous avons trouvé un sens à nos pauvres vies!… Vous avez ébloui ma jeunesse par ce côté chevaleresque qui est le vôtre et fortifié ma croyance en ceci que l’homme est bon.
    – Il est… sauvable!… corrigea Valencey d’Adana.
    Robespierre s’arrêta de nouveau, toujours souriant, regardant son interlocuteur avec une intensité pénétrante et une infinie bienveillance:
    – La nuance est fine mais ne me contredit point formellement. Parlons franchement, j’ai si peu de temps: êtes-vous en accord avec la politique

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