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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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songes à l’avenir!… Soit, j’éplucherai nos légumes.
    Il s’assombrit.
    – Je préfère cela que tuer ces pauvres marins anglais, ces malheureux esclaves qui ne se rendent pas compte pour qui ils meurent…
    – N’y songe pas. Oh, comme je suis bien dans tes bras avec dehors ce vent et cette tempête. Je n’ai jamais été aussi bien et cependant, j’ai envie de pleurer.
    – Moi aussi!… dit-il avec conviction.
    Elle se redressa légèrement et surprit les beaux yeux gris-vert de son amour légèrement embués. Elle en fut bouleversée.
    – Oh parle, mon cher cœur, parle.
    Il balbutia, comme pour s’excuser:
    – Nous survivrons peut-être mais je le sais: La Terpsichore va mourir.
    – Non, c’est impossible, mon chéri, pas elle, c’est une légende, c’est l’Histoire…
    – Écoute-la craquer de partout: elle me parle. Ma pauvre, ma vaillante, ma fidèle frégate, mon bébé que j’avais dessiné, que j’ai construit… Chaque planche, chaque objet me dit adieu, je le sens si fort…
    – Mais… Tu peux te tromper!
    – Oh non!… Ma vieille compagne va partir pour les fonds froids et obscurs. Je crois… Maintenant, enfin, elle t’a vue, elle te cède la place, elle me confie à toi… Il n’y a pas de tristesse, elle est heureuse, elle fut elle aussi mon amour, mais bien autrement que toi qui es vivante car cela ne se compare pas… Oh, c’est déchirant!
    Elle fut plongée en un total désarroi. Son héros si beau, l’homme couvert de fleurs par tout un peuple place de la Révolution, l’invincible capitaine lui semblait brusquement un tout petit garçon si vulnérable devant un tant cruel chagrin.
    Il jeta un regard désespérément triste autour de lui. Les parois lambrissées d’acajou, le parquet marqueté d’olivier, le plafond couleur azur où les fleurs de lys argentées de jadis avaient été repeintes en tricolore. Par les vitres des fenêtres à petits carrés légèrement bleutées et serties de plomb de la chambre qui achevaient la poupe de la frégate, on voyait un ciel noir zébré d’éclairs. Il songea à d’autres nuits, chaudes celles-là, aux Caraïbes, à l’île de la Tortue…
    Il la regarda droit dans les yeux:
    – Pardon, j’ai été faible. Je le suis plus que tu ne l’imagines.
    – Eh bien sache-le, mon amour, je ne t’ai jamais autant aimé qu’en cet instant de faiblesse.
    – Ah, tu me connais trop bien. Je vois que si la marine est une science, la manœuvre est un art.
    – Vous ne m’échapperez pas, monsieur mon amour.
    Enfin, songeant au terrible combat à venir:
    – Rien ne nous séparera, jamais. Pas même la mort. Nous ne nous survivrons pas l’un à l’autre, je le jure.
    – Je le jure!… dit-il à son tour en la pressant très fort contre lui.

46
    C'est très au large de Brest qu’une corvette républicaine joignit La Terpsichore . Un officier apporta à Valencey des courriers contenus dans des chemises de toile. Elles étaient lestées de plomb afin de pouvoir les jeter à la mer avec la certitude qu’elles s’y enfonceraient à jamais, empêchant ainsi l’ennemi d’en avoir connaissance.
    Après le départ de la corvette, Valencey d’Adana regarda distraitement consignes et conseils qui ne lui apprirent rien de bien nouveau. Il mit de côté une lettre personnelle et jeta les chemises lestées par-dessus bord.
    Keringan avait soigneusement gardé le cap tandis que «Diego» Quetzalcóatl qui y voyait la nuit comme en plein jour garantissait des mauvaises rencontres avec les Anglais comme des collisions car La Terpsichore naviguait tous feux éteints, tel un vaisseau fantôme.
    Une fois encore, Valencey d’Adana prit adroitement le vent et Victoire admira ses manœuvres. Il n’avait pas son pareil pour virer à la perfection, combinant très exactement l’effet du gouvernail et celui des voiles. Il veillait avec soin à ce que la tension de celles-ci corresponde à la direction et à la vitesse du vent, jouant habilement avec l’orientation des vergues.
    Il lut la lettre qui lui était adressée, puis en indiqua l’origine à Victoire:
    – C'est mon cousin le comte de Nissac 1 qui réalise des prodiges en mer des Indes. Pendant la guerre d’Indépendance, il servit dans l’escadre de Guichen, aux Caraïbes, puis auprès de Suffren, dans l’océan Indien. Il a rallié la Révolution aux premiers jours…
    Valencey d’Adana affectait un ton joyeux, presque désinvolte, mais qui ne trompait point Victoire,

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