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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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citoyen sergent!
    Le sergent voyait surtout des cuisses magnifiques et des jambes superbes appartenant à une bien jolie femme.
    Dans ce cas comme dans les autres, la fouille s’en trouvait légère d’autant que la marquise et le jeune homme ne transportaient aucune arme, Victoire l’ayant jugé plus judicieux ainsi.
    Certes, les républicains insistaient pour les garder quelque temps et sans doute l’invitation était-elle surtout lancée eu égard à la beauté de Victoire, mais le prétexte d’une mère mourante désarmait l’insistance des soldats.
    Et la jeune femme de prendre congé en agitant la main sur un irrésistible mais très sincère:
    – Vive la République, mort aux tyrans!
    C'est le surlendemain de ce dernier contrôle que, dans le soir tombant, ils distinguèrent en pleine campagne un château au rez-de-chaussée éclairé.
    Ils n’en pouvaient plus de fatigue et, d’un regard, comprirent que se présentait pour la première fois depuis des semaines l’occasion de dormir dans un véritable lit.
    – Cocardes blanches, certainement?… proposa Jean-Baptiste.
    Victoire observa le château avec une attention méfiante. Enfin, d’une voix douce:
    – Ne remarques-tu rien?
    – C'est un bien beau château, madame la marquise.
    – Victoire!… Cesse tes «madame la marquise» ou tu nous feras prendre un jour. Eh bien, ce château, vois son état.
    Jean-Baptiste comprit brusquement.
    – C'est étonnant. Tous, jusqu’ici, étaient pillés ou brûlés, au moins en partie.
    – Et pourquoi celui-là ne l’est-il pas?
    – Les Bleus, pourtant, ne peuvent être passés à côté…
    – Et si le maître des lieux était favorable à la République?
    – Nous avons une chance sur deux…
    Ôtant son béguin rouge d’adolescente, la marquise y agrafa une cocarde tricolore.
    Jean-Baptiste se signa en disant:
    – Dieu nous protège!
    L'homme grand et mince, âgé d’une cinquantaine d’années, avait regardé avec attention cette très jolie femme flanquée d’un jeune paysan qui demandait à dormir aux écuries… en espérant visiblement qu’on leur offrirait mieux.
    L'homme dont il est question ici était baron et s’appelait Daniel de Penchemel. Observateur, il en avait jugé très vite: ces deux-là n’étaient point frère et sœur. Lui se disait paysan, et la chose paraissait réelle mais la jeune femme, malgré ses affirmations, appartenait à l’aristocratie. Il en éprouvait le pressentiment par de petites choses propres à cette condition qui, étant la sienne, ne permettait pas qu’on l’abusât sur ce point. Ainsi des jolies mains très fines quoiqu’un peu abîmées, du port de tête, du regard sans aucune surprise posé sur le salon quand le jeune garçon, lui, semblait si fasciné qu’il hésitait à s’y risquer.
    M. de Penchemel s’interrogeait sur le port de la cocarde tricolore. En ces temps incertains, il fallait se montrer prudent. On ne pouvait pas même exclure l’hypothèse d’un piège où des Vendéens chercheraient à le faire tomber en lui déléguant une aristocrate travestie en républicaine. La ligne de partage s’avérait parfois des plus floues, il lui suffisait de penser à sa propre famille: son fils était capitaine dans un régiment républicain de l’armée du Nord mais sa fille était partie rejoindre les émigrés d’Allemagne un mois plus tôt.
    Lui-même étant ancien militaire, officier du régiment d’Angoumois, il choisit d’attaquer frontalement:
    – Êtes-vous de la noblesse vendéenne, madame?
    C'était là ne tenir aucun compte des paroles de la jeune femme qui se disait paysanne. On ne la traitait point de menteuse, cela ne se faisait pas dans l’ancien monde, mais on lui faisait aimablement – quoique fermement – comprendre qu’on ne la croyait nullement.
    Victoire rosit légèrement mais eut le bon goût de ne pas s’enferrer dans le mensonge:
    – De Charente, monsieur: Victoire de La Chesnaie de Flers.
    Le baron de Penchemel réfléchit un court instant, puis:
    – J’ai connu un La Chesnaie, un marquis. Dans quelle arme servait-il, déjà?
    – Les dragons.
    – Les dragons, exactement. Il fut à Fontenoy sous les ordres d’un général… Ah, qui était-ce donc?
    Elle lui sourit.
    – Je crois, monsieur, que vous vous souvenez parfaitement d’un nom aussi glorieux mais soit, je suppose qu’il s’agit là d’une mise à l’épreuve: ce général s’appelait Donatien de Niel, comte de Valencey, prince

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