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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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bien la première fois!… apprécia Blacfort pour lui-même.
    De fait, les républicaines de l’armée lui avaient toujours échappé. Un mois plus tôt, ils tenaient presque une vivandière à cocarde tricolore lorsque, se voyant prise et sachant ce qui l’attendait, elle s’était tiré une balle dans la tête.
    Une autre fois, une blanchisseuse de l’armée des Bleus avait failli provoquer les délices de sa troupe mais, mourante, elle s’était éteinte avant de subir leurs outrages. Le corps étant encore chaud, Chapeau-ciré avait tout de même pris son plaisir, gênant un peu ses compagnons, mais certes pas Blacfort. Un jeune soldat vendéen, horrifié, provoqua aussitôt Chapeau-ciré en duel mais Simon dit «la Douceur» abattit le soldat d’une balle dans le dos dès que celui-ci sembla prendre l’avantage.
    La réputation des hommes de Blacfort était établie et fut aussitôt perçu ce qu’il fallait comprendre: toucher à un membre de cette sinistre bande, c’était aussitôt avoir toute la meute contre soi.
    Blacfort observa le lit de braises d’un air songeur. Deux mètres de long, un de large et un bien joli rougeoiement dans la nuit presque printanière.
    – Maintenant!… ordonna-t-il, suivant d’un regard distrait Lefèvre dit «Va-de-bon-cœur» qui tua aussitôt la femme d’un seul de ses énormes poings sur cette nuque fragile.
    Le général vendéen fut tenté de saisir le dernier souffle de vie de la cantinière, le lui voler, le capturer en sa paume, le porter à sa bouche et aspirer goulûment cet air si précieux. Mais il estima le geste trop théâtral pour un si vulgaire public.
    Ses hommes s’activaient, preuve que ce n’était pas, en ce domaine, leur coup d’essai. Munis de scies et de hachettes les brutes procédaient à l’équarrissage, les morceaux choisis étant traversés par une barre chauffée à blanc.
    Celle-ci fut posée au-dessus des braises sur deux groupes de fusils disposés en faisceau par «Gros-beauceron».
    Bientôt, les chairs grésillèrent et la peau commença à rosir.
    – Ne lésinez point sur la graisse d’oie!… recommanda Blacfort tandis que «la Grêlée», puisant dans un pot avec une louche, s’acquittait consciencieusement de cette tâche.
    Blacfort, très attentif, s’emporta:
    – Ah, mouillez donc la chevelure en permanence, vous eussiez dû la couper plus court!… La cervelle doit être rose, à peine tiède.
    Tapis derrière un bosquet, livides, un groupe d’officiers d’artillerie regardaient ce spectacle avec une fascination horrifiée.
    – Des cannibales!… Dieu Tout-Puissant!… souffla l’un d’eux en se signant.
    – Désertons!… murmura un autre qui avait un cousin dans l’armée de M. de Charette.
    Tandis que les quatre hommes s’esquivaient, Blacfort, assis dans l’herbe, contemplait la femme mise à la broche – ou plutôt certaines parties – et qu’on allait rôtir puis manger. Sa bande et lui-même communiquaient dans une attente presque religieuse.
    «Pourquoi me suivent-ils dans “le crime des crimes”, pourquoi cette docilité dans l’horreur quand les hommes sont si réticents à faire le bien?» se demanda le général non sans étonnement.
    Il soupira. La chair humaine est salée, proche de celle du cochon et dans tout cela, plus que la graisse d’oie, c’est l’idée de sacrilège qui donnait un goût incomparable.
    Pris d’une idée subite, Blacfort, sourire aux lèvres, se tourna vers Phébus Monteroux:
    – Ah l’abbé, vous bénirez ce repas, comme il se doit!
    Tous partirent à rire même le prêtre, bassement, veulement, car son âme misérable frémissait à l’idée qu’il faudrait peut-être, tout de même, payer tout cela un jour.
    Blacfort fut saisi de cette immense fatigue qui lui venait parfois lorsque, par son abjection, il se sentait au bout de tout, au-delà de l’humain.
    – Après cela, il n’est rien de pire… murmura-t-il, son œil larmoyant s’attardant sur le lit de braises.
    Le feu le fascinait. Récemment, ils avaient capturé un capitaine de dragons. L'homme fut crucifié sur une porte, les pieds en l’air, tandis qu’on allumait un feu sous sa tête. Dans la Vendée en guerre, cette amabilité en valait d’autres de la part des Bleus.
    Blacfort devina qu’il ne trouverait pas le sommeil et eut l’idée d’aller passer la nuit au château de Penchemel où il devait récupérer deux canons laissés la veille.
    Il haussa les épaules. C'est Victoire

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