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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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d’Adana et père de Joachim, héros de la guerre d’Indépendance américaine: ils étaient nos plus proches voisins.
    Le baron de Penchemel ébaucha un sourire énigmatique mais les invita du geste à s’asseoir avant de toussoter avec politesse:
    – Dans ces conditions, vous n’usurpez pas la cocarde aux trois couleurs: votre père et le général étaient de fervents admirateurs des auteurs de l’ Encyclopédie .
    – Vous-même, monsieur: vous incommode-t-elle, cette cocarde?
    Le baron ne put réprimer une expression de désillusion sur son visage:
    – Que vous dire, madame?… Je l’ai souhaitée, cette Révolution, mais je déplore ses excès, la mort du roi et de la reine. Tout ne fut point tenté pour aboutir à une monarchie constitutionnelle qui n’eût pas enflammé l’étranger aux frontières.
    – L'Assemblée nationale, dans ce cas, n’est pas plus blâmable que le roi qui ne cessa de comploter et de trahir la confiance du peuple.
    – Je sais cela!… dit Penchemel en baissant la tête, s’attirant aussitôt le respect et la sympathie de la jeune femme qui estimait toujours les hommes honnêtes en leurs pensées.
    Le baron regarda la marquise dans les yeux.
    – Tout à la fois républicain et monarchiste, c’était là deux bonnes raisons pour mourir au cœur de la Vendée, ce brasier ardent. Vous ne vous étonnez pas de ma survie?
    – Bien des choses ne m’étonnent plus, baron, mais je me réjouis que vous soyez vivant.
    Il inclina légèrement la tête.
    – Je vous en remercie, marquise. Voyez-vous, j’ai le plus beau château des environs et, comble de la félicité, il est intact. J’ai été bien entendu arrêté, quoique républicain, et jugé, car on me reprochait que M. de La Rochejaquelein ait passé ici deux nuits. Je répondis que l’accusation ne faisait guère brillamment son travail, ignorant que M. de Charette y avait également dormi ainsi… ainsi que quatre généraux républicains. Enfin je fis valoir qu’un habitant, un homme seul avec sa vieille servante, ne peut guère s’opposer à une troupe armée. Chose rare, on m’acquitta et je fus fêté par le peuple mais je crois surtout que l’armée tenait à la bonne conservation de mon château.
    – La chose est presque certaine!… répondit poliment Victoire.
    M. de Penchemel eut un geste d’impuissance.
    – Et savez-vous cela?… La nuit dernière, un général vendéen a dormi ici. D’ailleurs, il va revenir, ayant laissé deux canons car il s’engageait en forêt profonde.
    Une impression de froid gagna brusquement Victoire qui pâlit. Le baron s’en aperçut.
    – Qu’avez-vous, madame?
    – Qui est ce général?
    – Mais… Il s’agit du général-comte de Blacfort.
    – Quand doit-il revenir?
    – D’un instant à l’autre, demain: comment le savoir?
    – D’un instant à l’autre!… répéta Victoire, le regard absent.

16
    Blacfort exultait.
    Il se pensait insaisissable, et donc invincible. Pourtant, contre lui, la République ne lésinait pas sur les moyens. Plus grave, et cela assombrissait le général vendéen, les Bleus commençaient à bien connaître la région, le genre de guerre qu’on y pratique entre haies et forêts, les attaques incessantes, le harcèlement qui paralyse l’ennemi auquel on abandonnait les grandes routes et les voies charretières pour préférer les petits chemins où l’artillerie républicaine ne pouvait se déplacer. Comment se risquer, au reste, avec tous ces chariots d’armes et de vivres sur des chemins en dos d’âne entre deux marais?… Ceux qui passaient outre, rassurés par la campagne tranquille, entendaient, terrorisés, un sifflement suivi du cri d’un officier vendéen:
    – Tue!
    Et l’attaque à peine lancée, avant qu’on puisse s’organiser, cet autre cri:
    – Égaillez-vous, mes gars!
    Aussitôt, les hommes aux scapulaires et Sacré-Cœur brodés en laine rouge sur la poitrine disparaissaient dans la profondeur des forêts.
    Même s’il s’estimait imbattable sur son terrain, Blacfort était suffisamment lucide pour comprendre que la balance penchait néanmoins du côté des Bleus. Irrémédiablement.
    Révolu, le temps des troupes adverses de la garde nationale vêtue de cet uniforme. Tous ces commerçants et artisans en habits bleus à poignets garance, plastron blanc, parements rouges, oursons à plumets colorés, bicornes noirs galonnés d’or et quelquefois, ce qui faisait s’esclaffer les Vendéens, des casques

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