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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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pas encore assez vite.
    Il cherchait une quelconque excuse lorsque Valencey d’Adana leva la main en signe d’apaisement.
    – Ne dites rien, baron, je m’en voudrais d’obliger un homme de votre valeur à mentir. Vous recevez chez vous qui vous voulez, y compris vos amis royalistes. Lorsqu’on s’invite aussi cavalièrement que je l’ai fait, on ne pousse pas le manque de courtoisie jusqu’à exiger des comptes de qui ne vous en doit pas.
    – Mais capitaine, je…
    Mahé l’interrompit avec bienveillance:
    – Profitez de l’offre, baron, elle est généreuse. D’ailleurs, ainsi est notre capitaine, sans vouloir entendre aucune explication dès lors que l’honneur est en jeu.
    Le baron acheva son cognac et inclina la tête:
    – Soit, et je vous en remercie. Mais vous feriez erreur à croire que je suis vendéen. Mon cas est fort différent: je pense que la Révolution était indispensable, et la soutiens en ce sens, mais je crois qu’elle aurait dû déboucher sur une monarchie constitutionnelle. Nous eussions évité la guerre civile et la guerre aux frontières.
    Saint-Frégant adopta ce ton mondain qu’il affectionnait:
    – Vous parlez comme les fédéralistes hier et les Girondins aujourd’hui mais ceux-là, cher ami, finiront aussi mal que les premiers, promis au… raccourcissement patriotique 1 !
    Les autres conservant le silence, le baron en conclut qu’ils partageaient semblable opinion et répondit:
    – Messieurs, je ne serai pas plus indiscret que vous ne le fûtes. Mais voir des officiers de marine, sans doute aristocrates, courir la campagne nuit et jour et par tous les temps… Peut-être pourrais-je vous aider si vous cherchez quelque chose?
    – Pas quelque chose: quelqu’un!… répliqua Valencey d’Adana.
    – Et… De qui s’agit-il?
    – D’une canaille de la pire espèce qui trahit ses amis, tue leurs parents, prétend servir la cause du ci-devant roi quand il n’obéit qu’à son ambition: Nicolas de Refroicourt, comte de Blacfort et prétendu général dans le camp des brigands de la Vendée.
    M. de Penchemel regarda gravement Valencey d’Adana et répondit:
    – Je le connais et ne l’estime point!… Mais sachez qu’il était ici même hier encore.
    Valencey d’Adana bondit de sa chaise, la main instinctivement sur la garde de son sabre.
    – Quoi?…
    1 Guillotine.

19
    Bien qu’elle fût coupée de tout dans la profondeur des souterrains du château du baron de Penchemel, et que jusqu’ici elle n’eût entendu aucun bruit, Victoire de La Chesnaie de Flers sursauta: on tirait au canon!
    Jean-Baptiste, sourcils froncés, prêta l’oreille un instant puis:
    – Deux pièces!… Sans doute les canons du général de Blacfort.
    – Mais contre qui tire-t-il?
    Jean-Baptiste leva à demi les bras et les laissa retomber en un geste d’impuissance.
    – Les Bleus. Il a dû venir chercher ses deux canons et se trouver surpris par l’arrivée d’une «colonne infernale» du général Turreau.
    Victoire réfléchit et secoua négativement la tête.
    – Quelque chose ne va pas. Voilà des heures qu’ils ont brisé une vitre pour s’introduire au château… Au reste, c’est étrange: si Blacfort y a déjà dormi, il savait ce qu’il allait trouver ici, connaissant le baron et sa cuisinière, les usages de l’endroit…
    – C'est vrai que c’est étrange: on casse une vitre lorsqu’on ne connaît point les lieux, nous faisions cela, nous autres de « L'armée catholique et royale» du général de La Rochejaquelein.
    La marquise approuva et poursuivit son raisonnement:
    – Blacfort et ses gens n’ont point parlé pendant des heures avec le baron mais sont allés dormir. Je suppose qu’il a laissé une garde?
    Jean-Baptiste réfléchit, faisant appel à ses souvenirs, puis, d’un ton assuré:
    – Il aurait mis deux hommes sur le devant et deux sur l’arrière. C'est suffisant pour tout voir et donner l’alerte en cas d’arrivée des Bleus. Peut-être un cinquième à l’orée de la forêt mais à cette heure, j’en doute.
    – Deux hommes devant, deux hommes derrière, un cinquième au sortir de la forêt. Tous assez éloignés les uns des autres, n’est-ce pas?
    – Les lieux sont ainsi que vous le dites, madame la marquise, et…
    – Citoyenne!
    – C'est bien difficile… citoyenne! Mais je crois deviner votre… ta pensée, vos… tes remarques m’y ayant préparé: comment cinq hommes dispersés ont-ils pu réagir si vite, au canon, à

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