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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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mesure pour un tir délicat, tout en finesse, dont l’exécution rappelait ce que l’on enseigne dans les écoles d’artillerie en soulignant qu’il s’agit là de la perfection absolue.
    Le tir, à dessein, ne frappa pas dans la masse humaine très compacte mais atteignit juste devant elle le sol caillouteux de la cour d’honneur. Ce faisant, si l’on faisait montre de finesse, on acquérait la certitude de voir les boulets ricocher cinq ou six fois en projetant des centaines de cailloux. Les experts certifiaient que, dans ces conditions précises, un boulet, un seul, pouvait tuer des dizaines d’hommes et en blesser une centaine.
    À ceci près qu’il ne s’agissait pas d’un mais de deux boulets. Suivis immédiatement de deux autres…
    La fumée se dispersa. Les six républicains, pistolets en main, s’approchèrent des lieux du carnage.
    Ils virent un homme qui rampait en traînant ses intestins. Il leva un regard pitoyable sur Valencey d’Adana.
    – Achevez-le!… Vite!… lança Valencey d’Adana à Dumesnil.
    – Vous ne l’interrogez point?… Il n’est pas en situation de nous mentir!…
    Le capitaine de vaisseau lui jeta un regard polaire:
    – Achevez-le immédiatement!
    Le Vendéen parvint à se retourner. Couché sur le dos, les traits marqués par une atroce souffrance, il parvint à dire:
    – Achève-moi, pataud, les tripes me sortent du ventre et sur Dieu, moi je le ferais pour toi.
    Jules Dumesnil était un homme dur, assez fanatique, mais il sentit que l’homme ne mentait pas et lui en eut une fugitive reconnaissance. Lui qui si souvent achevait les blessés au sabre, expliquant avec sincérité qu’il faisait ainsi «économie de balles pour la République», tira une balle dans la tête du malheureux.
    Valencey d’Adana et ses compagnons ramassèrent les torches abandonnées sur le sol tandis que le baron de Penchemel, devinant le combat achevé, les venait rejoindre.
    Le spectacle était effarant, les Vendéens avaient été comme hachés par les boulets et les cailloux. On pataugeait dans le sang, on voyait des membres arrachés, des thorax évoquant des quartiers de viande meurtrie. Mais Blacfort n’était pas au nombre des morts.
    Le baron de Penchemel ne put s’empêcher de vomir mais revint cependant avec courage, balbutiant:
    – Quelle horreur!
    – C'est la guerre, monsieur!… répondit sèchement Valencey d’Adana qui prenait grand soin de dissimuler son propre désarroi.
    Le baron de Penchemel poursuivit, mais peut-être s’adressait-il à lui-même:
    – Ce sont là des pères, des maris, des fils, des frères…
    Valencey d’Adana lui jeta un regard froid:
    – Chez les républicains aussi il y a des pères, des maris, des fils et des frères. Je vous accorde, monsieur, que la mort d’un homme est toujours un drame, une tragédie que rien n’égale. Cependant, la différence est la suivante…
    D’un signe de tête, il désigna l’amas de cadavres vendéens puis, d’une voix coupante:
    – Ceux-ci, même s’ils furent dupés, se battaient pour les despotes, les oppresseurs couronnés, les prêtres et leurs mensonges qui prônent la résignation, les privilèges de nobles, l’humiliation des humbles et des faibles, les famines organisées par les fermiers généraux qui bâtissent des fortunes en quelques années, tout cet ordre abject que je vomis comme vous le fîtes à l’instant de votre repas!
    Il ôta son tricorne et, d’une main élégante, caressa la cocarde bleu, blanc, rouge:
    – Nous nous battons pour changer un monde insupportable et figé, pour la fraternité entre les hommes, une République qui garantit les droits de tous, du vieillard trop abîmé pour travailler encore, de la femme qu’on ne considère jamais à égalité de droits quand elles furent à la prise de la Bastille, de l’enfant dont on vole les plus tendres années à la terre, à la manufacture ou dans les mines.
    Il coiffa son tricorne d’un geste précis au centimètre près:
    – Il faudra d’autres morts, monsieur. Il faudra que Turreau ou un autre écrase Stofflet et que j’en finisse avec Blacfort et alors, il n’y aura plus de guerre.
    Il sourit avec gentillesse à Penchemel et ajouta:
    – Ne croyez-vous pas que l’être humain a bien assez de malheur en sa propre condition, celui qui est laid, vieux, malade… Ou celui qui aime sans être assuré de l’être en retour…
    Ces derniers mots le laissèrent un instant tristement songeur puis, d’un ton

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