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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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proposa-t-il:
    – Je vous en prie, messieurs, brisons là avec ce silence qui doit vous être insupportable.
    N’ayant point convaincu ses officiers un peu intimidés, il insista:
    – Vous m’obligeriez, messieurs!
    Comprenant alors qu’il ne surviendrait rien s’il ne lançait lui-même la conversation, il s’adressa à O'Shea :
    – Eh bien, John, toi qui es ici notre unique Yankee: comment juges-tu nos vieux châteaux?
    Flatté d’être distingué, O'Shea ne dissimula pas son enthousiasme:
    – Celui du baron m’a hautement séduit. J’en construirai un semblable aux États-Unis.
    Un peu surpris, Saint-Frégant questionna:
    – Vous sauriez faire cela?… C'est tout un art, vous savez…
    O'Shea balaya l’objection d’un geste large, sa main ne lâchant pas la cuillère:
    – Nous autres, Américains, savons tout faire pourvu qu’on nous montre la chose une fois.
    Bernardin des Essarts, marquis de La Mellerie, parut tout aussi surpris que Saint-Frégant peu avant.
    – Loin de moi de douter des hautes compétences du peuple américain, ayant pu les juger et les admirer par moi-même. Mais cependant, si ce n’est pour y demeurer, que feriez-vous de ce château?
    – Je comprends mal votre question, La Mellerie.
    Celui-ci réfléchit, cherchant un autre angle pour exprimer sa pensée:
    – Il existe trois sortes de château. Le château fort conçu pour la guerre, tel celui du prince avec sa Tour des Demoiselles, son donjon, ses remparts crénelés. Il fut rendu plus confortable ce siècle mais c’est un château de guerre et il vous faudrait trente ans pour en construire un à l’identique.
    – C'est un peu long!… concéda O'Shea.
    – Je le pense également. Vous avez ensuite le château de campagne, comme celui du baron de Penchemel mais en prestige, il est surclassé par une troisième sorte de château: ceux des environs de Paris. Lequel préférez-vous?
    – Ceux de Paris. Et je m’y promènerai en armure… enfin, tant que la chose m’amusera.
    Un instant stupéfait, La Mellerie expliqua:
    – Mais… Ce genre de château ne s’accorde qu’à la vie mondaine.
    – Soit, j’aurai une vie mondaine. Y voyez-vous quelque embarras, marquis?
    Désarmé, réalisant combien les mœurs européennes différaient de celles des Américains, La Mellerie chercha à se faire comprendre à l’aide de faits concrets et sans blesser son ami:
    – C'est que c’est bien des contraintes… Par exemple, telles qu’étaient les choses avant la Révolution, vous devrez être capricieux, colérique, assez odieux, avoir une maîtresse et encourager votre épouse à prendre amant, comme le veut la vie mondaine. Vous aurez des appartements séparés de ceux de votre femme et, lorsque vous organiserez une réception, ne jamais inviter le mari et la femme: c’est du dernier mauvais goût. Vous souperez tard. Vos voisins devront suivre votre genre de vie car à Paris il y a chaque soir quatre ou cinq invitations différentes à des bals. Il vous faudra illuminer et décorer vos appartements, porter des vêtements de soie brodée quand vos femmes seront toutes en plumes, en fleurs et en diamants. Afin d’établir votre réputation, vous dresserez pour ces fêtes de somptueux buffets. Vous souperez jusqu’à trois fois dans la nuit. Vous aurez vos chasses, bien entendu. Vous devrez apprendre à vos voisins à jouer à cligne-musette, colin-maillard, au trictrac et beaucoup d’autres passe-temps. Et la liste des contraintes n’est point close…
    – Quelle horreur que tout cela!… jeta le commodore dans un cri du cœur.
    – Et pour y échapper, pour respirer un air moins pourri, tu t’engageras dans la marine… et tout recommencera!… jeta Mahé.
    On rit et Valencey d’Adana fut heureux d’être un instant distrait de ses sombres pensées. Cependant, il pondéra le discours du marquis:
    – C'était là une vie réservée à une poignée de privilégiés parisiens avant tout gens de cour. Nous, en notre château, ne vivions point ainsi. Il est possible que mon père, le général, ait eu quelques galantes aventures à la guerre mais il n’eut jamais de maîtresse sur place, et aimait tendrement ma mère. Nous avons bien organisé quelques bals, fort peu…
    Il échangea un regard avec Mahé qui sourit.
    – Hélas!… Ce n’était pas notre fort…
    Valencey d’Adana reprit:
    – Nous invitions nos proches voisins de petite noblesse d’épée, le curé, le notaire et le médecin.
    – C'est bien

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