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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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suis chargé par le Comité de salut public d’une importante mission qui ne souffre aucun retard. J’aurais le droit de balayer ton barrage, toi et tes huit hommes. La chose ne présenterait aucune difficulté pour nous.
    À ces mots, chacun des trois compagnons de Valencey d’Adana sortit deux pistolets, provoquant un certain flottement parmi les bourgeois et commerçants portant l’uniforme de la garde nationale.
    Seul Beaupin conserva son sang-froid, et même son ignoble sourire mais qui, à l’époque, pouvait savoir que l’homme était fou à lier?
    – Tu tuerais des patriotes de la garde nationale?
    Valencey d’Adana fut très ennuyé par cette question. Dans cette guerre dangereuse, ses compagnons et lui-même s’étaient juré de ne jamais tirer sur un républicain. Il choisit l’instance supérieure:
    – Je t’ai assez entendu: allons voir le président du tribunal et le maire de la ville afin de dissiper ce malentendu.
    – Et si malentendu il est, sois assuré qu’il ne subsistera pas longtemps.
    On les mena au Tribunal révolutionnaire et les fit attendre dans une vaste pièce. Ils y étaient depuis une heure lorsque, par les trois portes, une cinquantaine de gardes nationaux se jeta sur eux.
    La bagarre fut sévère mais écrasés sous le nombre, les marins s’inclinèrent. On les désarma avant de les jeter en cellule.
    Avec le temps, Valencey d’Adana s’était persuadé de ce qu’il aurait dû faire: une balle dans la tête du fanatique. Les gardes nationaux du barrage se seraient aussitôt débandés et ils seraient depuis longtemps à Paris.
    C'est par la terreur, et la lâcheté des corps constitués, que Beaupin régnait sur la ville.
    Le maire, le président du tribunal, les officiers de la garde nationale, tous tremblaient devant le petit fanatique à tête de crapaud qui – était-ce un hasard – ne se vêtait qu’en vert, sauf lorsqu’il enfilait sa défroque, au reste trop grande pour lui, de la garde nationale.
    Dans les regards soumis de ces hommes qui eussent dû se dresser, Valencey d’Adana lisait parfois une gêne mêlée de compassion.
    Le commandant de La Terpsichore , Mahé et le commodore John O'Shea s’étonnaient souvent de finir ainsi, guillotinés et promis à la fosse commune, eux qui avaient bravé tant d’autres périls que ce barrage ridicule.
    Mais il ne leur semblait plus possible d’échapper à ce funeste destin, Beaupin ayant, lors d’une crise d’hystérie, détruit le laissez-passer et l’ordre de mission signés de la main de Saint-Just.
    Les trois hommes soupçonnaient Beaupin d’un dessein très précis. Par les dizaines de Vendéens arrêtés et passés entre ses mains, il savait pertinemment qu’un petit groupe d’officiers de la marine républicaine écumait la région et que leur chef s’appelait Valencey d’Adana. Il savait donc parfaitement qui ils étaient et avait d’ailleurs brusquement cessé de les harceler sur leur identité dès que cette certitude fut sienne.
    Au début, il voulait simplement faire plier devant lui ce héros national, et Valencey d’Adana déclinant son identité et le but de sa mission eût été libéré sur-le-champ. Montrer qu’il était plus fort qu’une légende, rien d’autre.
    Nous n’en étions plus là et aujourd’hui, Beaupin ne souhaitait absolument pas que Valencey d’Adana se confesse, d’où sa hâte à instruire un procès qu’il avait tant retardé.
    Chaque interrogatoire des prisonniers équivalait pour Beaupin à une crucifixion.
    Il chancelait sous leurs sarcasmes, défaillait face à leur intelligence, perdait pied devant leur culture.
    Tout était donc aujourd’hui beaucoup plus simple: il les haïssait et les voulait voir guillotinés. Il serait, dans l’histoire, l’homme qui avait fait rouler la tête du héros de la guerre d’Amérique mais, prudent, il dirigeait l’instruction en sous-main, guidait ses créatures et organisait la procédure de sorte qu’on ne pourrait rien lui reprocher: il aurait simplement réclamé la tête de trois suspects refusant de donner leurs noms, n’ayant sur eux ni ordre de mission ni laissez-passer: et pour cause!
    Ces trois-là avaient brisé son rêve d’être l’égal de son modèle, accusateur public du Tribunal révolutionnaire de Paris qui faisait trembler la France entière: Fouquier-Tinville 1 .
    Cruel, rigoureux, efficace et homme d’esprit, il ne semblait guère douteux, pour le pâle Beaupin, que Fouquier-Tinville

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