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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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le président sourire aux lèvres puis, pour la dernière fois, Valencey d’Adana prit la parole et l’on n’osa pas la lui refuser. Il parlait d’une voix posée, très calme, absolument pas altérée par une quelconque émotion:
    – Nous ne pouvons reconnaître que notre procès fut juste, que nos droits furent respectés, que des haines relevant de la jalousie ne ternirent les débats, que la justice de la République fut honorée, que le crime fut recherché car il se trouve de votre côté et qu’il n’en est pas ainsi tel que l’ont voulu les législateurs des temps nouveaux, ni les sacrifices de tout un peuple, ni l’espoir du monde encore enchaîné. Messieurs, ce procès vous ressemble, et c’est tout dire.
    Mahé lui succéda:
    – Nous vous précédons de peu sur l’échafaud, tous autant que vous êtes.
    O'Shea, détendu comme à son habitude, remarqua:
    – Lors de la guerre d’Indépendance et des années qui suivirent, je vis de la France ce qu’elle avait de plus beau: des hommes venus du bout du monde pour défendre un peuple opprimé par le despote anglais. Mes deux compagnons furent de ceux-là qui dès les premiers jours risquèrent leur vie pour une idée. Citoyens, je ne vous en veux pas de me condamner à mort, je vous en veux d’avoir terni l’idée que je me faisais du grand peuple de France. J’éprouve pour vous davantage de pitié que de haine.
    On emmena les trois hommes dans un silence gêné.
    Le président, l’avocat, le maire, deux officiers de la garde nationale tentèrent de fléchir Beaupin, proposant que la mort fût commuée en prison mais le petit homme vert n’en voulut point démordre, menaçant de les décréter eux-mêmes d’accusation.
    Les autres capitulèrent. Comme d’habitude.
    Conséquence indirecte de la condamnation à mort des trois officiers, le prêtre réfractaire bénéficia d’un sursis.
    Avec cette rare combinaison de bêtise et de mesquinerie qui était sa marque, Beaupin, qui se croyait fin politique, fit surseoir à son exécution. Le curé monterait à l’échafaud en même temps que les marins. Ainsi, pensait-il, la présence d’un prêtre réfractaire dans une même fournée discréditerait-elle ceux qui se disaient républicains.
    Sur ordre discret du maire, le boulanger fabriqua presque à l’identique un pain de Gonesse, le préféré des officiers, connu pour sa croûte ferme et dorée, parfois un peu brûlée.
    Apportant leur participation, le notaire et l’apothicaire contribuèrent, en envoyant leurs cuisinières aider la femme du geôlier, à composer un superbe repas: ce serait le dernier, l’exécution étant prévue pour le lendemain, à midi.
    Car si Beaupin avait voulu un procès discret, presque à huis clos tant il craignait d’y paraître ridicule, il souhaitait que toute la population assistât à la fin de ces orgueilleux marins dont l’un, il n’en doutait pas, était Valencey d’Adana.
    S'étonnant de sa propre intelligence, Beaupin venait de trouver le moyen d’empêcher les trois officiers de s’adresser au peuple du haut de l’échafaud, car il ne doutait pas qu’ils le feraient contrairement à leur ami le maître d’équipage Dumesnil qui, la tête sous le couperet, chantait encore «Auprès de ma blonde».
    Soudoyant quatre gardes nationaux, ceux-ci devaient, prétextant une tentative d’évasion, casser à coups de crosse les mâchoires des officiers, briser les dents, éclater les lèvres, transformer le bas des visages en bouillies d’où ne sortirait aucun mot.
    Le vieux geôlier, Joseph Lemaire, apporta le souper: entrecôtes sauce cornichons, chapon au riz, cuisses de dindon, vin de Bourgogne… mais seulement trois assiettes.
    Ce que voyant, Valencey d’Adana, plus grand seigneur que jamais, s’exclama:
    – Allons donc, citoyen Lemaire, apporte un couvert de plus, l’abbé est des nôtres. N’est-ce pas, l’abbé, vous partagerez bien notre souper?
    – C'est-à-dire, c’est un repas si délicieux… Ne céderais-je point à la gourmandise, si j’acceptais?
    – Et quand bien même, l’abbé?… Ce serait votre dernier péché ici-bas, véniel au demeurant!… répondit Valencey d’Adana avec une bonne humeur qui ne devait rien à l’artifice et qui stupéfia ses camarades.
    «Ainsi, ils meurent comme ça»… songea O'Shea, admiratif.
    L'abbé, on s’en doute, se laissa convaincre.
    On parla nourriture et comme on pressait Valencey d’Adana, le plus fortuné, d’évoquer

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